La dernière stratégie de défense nationale du Canada fait l’impasse sur l’achat de nouveaux sous-marins
Nous pouvons faire dire aux chiffres ce que nous voulons. Ainsi, le 8 avril, lors de la présentation du document d’orientation stratégique « Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada », le premier ministre canadien, Justin Trudeau, affirmait qu’Ottawa avait doublé ses dépenses militaires depuis 2015. , l’année de la victoire du Parti libéral aux élections législatives.
«Lorsque nous avons pris le pouvoir en 2015, le Canada consacrait environ 1% de son PIB à la défense sous les conservateurs en 2014. Donc à partir de ce moment-là, nous avons commencé à investir beaucoup plus dans les Forces armées canadiennes», a en effet déclaré M. Trudeau. Ce qui est en partie vrai…
Selon les statistiques de l’OTAN, les dépenses militaires du Canada ont augmenté, en prix courants, de 23,9 à 39,3 milliards de dollars canadiens (CAD) entre 2015 et 2023. En revanche, en prix constants de 2015, la progression est beaucoup moins nette, selon le budget de la Défense canadienne. s’élevant à 31,3 milliards CAD l’année dernière. De plus, si l’on considère la part de ces dépenses dans le PIB, Ottawa a consacré 1,2 % de son PIB à ses forces armées en 2015, contre 1,38 % en 2023.
En octobre dernier, le quotidien The Globe and Mail soulignait que « la part du budget fédéral allouée au ministère de la Défense est passée de 6,6 % au cours de l’exercice financier 2015 à environ 5,3 % en 2023 ».
Toutefois, l’état de préparation des Forces armées canadiennes (FAC) est jugé préoccupant. Selon un rapport cité par Radio Canada, le mois dernier, 58 % d’entre eux sont « prêts à répondre à un appel de l’OTAN en cas d’hostilités majeures » et 45 % des équipements réservés à la défense de l’Europe sont « confrontés à des défis et sont considéré comme indisponible et inutilisable ».
Dans ce tableau, l’Aviation royale canadienne apparaît comme un « parent pauvre », avec 55 % de ses appareils incapables de voler. La Marine royale canadienne (MRC) n’est pratiquement pas dans une meilleure situation, avec 54 % de ses navires incapables de se déployer. L’armée canadienne s’en sort le mieux, avec 54 % de ses équipements disponibles.
Quoi qu’il en soit, la nouvelle stratégie militaire dévoilée par Ottawa promet d’y remédier. «Nous continuerons de veiller à ce que les FAC disposent de l’équipement et des ressources nécessaires pour protéger le Canada et faire notre part au sein des organisations internationales comme le NORAD ou l’OTAN», a promis M. Trudeau, depuis la base aérienne de Trenton, en Ontario.
Pour ce faire, on parle d’augmenter les dépenses militaires de 8,1 milliards CAD (5,5 milliards d’euros) sur les cinq prochaines années et de 73 milliards CAD (49,5 milliards d’euros) sur 20 ans. . Quant à la norme des 2% du PIB, fixée par l’Otan en 2014 (et non en 2023 comme le précise le document canadien), elle ne sera pas atteinte avant la fin de cette décennie. D’ici cette échéance, l’effort de défense du Canada devrait représenter 1,76% du PIB…
En termes de capacités, Ottawa parle d’acquérir des avions avancés de détection aérienne (AWACS), des missiles à longue portée, des drones de surveillance et d’attaque, des capacités de combat anti-drones ainsi que de nouveaux hélicoptères tactiques. Il s’agira également de « maximiser l’efficacité du Canada dans le cyberespace » et l’accent sera mis sur le maintien en condition opérationnelle des « navires militaires, particulièrement les patrouilleurs extracôtiers et arctiques ». M. Trudeau a d’ailleurs évoqué une prolongation de la durée de vie des frégates appartenant à la classe Halifax (admises au service dans les années 1990), alors qu’elles sont censées être remplacées par les nouvelles frégates Type 26…
Par ailleurs, soulignant les défis posés par le changement climatique dans l’Extrême-Nord, le document s’attarde longuement sur les capacités sous-marines mises en œuvre par la Russie et la Chine. Toutefois, affirme-t-il, « défendre l’Arctique signifie affirmer la souveraineté du Canada » et « pour ce faire, nous devons adopter une nouvelle approche qui améliore et modernise nos défenses dans la région ».
Ainsi, 1,4 milliard CAD seront investis, sur 20 ans, pour « acquérir des capteurs maritimes afin de surveiller les océans ». Ceux-ci serviront à « surveiller les approches maritimes du Canada, y compris dans l’Arctique et le Nord, et feront partie intégrante de la capacité de défense des FAC contre les menaces sous-marines qui continuent de se diversifier et de devenir plus complexes, comme les missiles lancés par des navires, les missiles sous-marins. systèmes, navires et sous-marins, sur les trois côtes.
Cependant, pendant encore quelques années, la Marine royale canadienne devra encore se contenter de ses quatre sous-marins de type Victoria qui, malgré les investissements importants qu’ils ont réalisés depuis leur achat à la Marine royale, ont été plus souvent à quai que en mer…
Or, depuis un Livre blanc sur la défense publié en 1987, il est question de doter la MRC de douze sous-marins pour lui permettre de mener à bien ses missions dans les océans Arctique, Pacifique et Atlantique. Ce besoin a encore été exprimé par un rapport parlementaire, publié trente ans plus tard. Mais il est toujours urgent d’attendre Ottawa. C’est du moins ce que suggère la dernière stratégie de défense nationale.
« Nous explorerons les possibilités de renouveler et d’élargir notre flotte de sous-marins afin que la Marine royale canadienne continue d’agir comme moyen de dissuasion contre les
trois côtes grâce à des sous-marins à propulsion conventionnelle capables de naviguer sous les glaces », lit-on dans ce document.
« Les sous-marins permettent au Canada de détecter discrètement les menaces maritimes et d’exercer un effet dissuasif. Ils permettent également au Canada de contrôler ses approches maritimes et de projeter sa puissance et sa capacité de frappe loin de ses côtes, à une époque où les sous-marins russes sondent largement les océans Atlantique, Arctique et Pacifique, et où la Chine développe rapidement sa flotte de sous-marins », ajoute-t-il. .