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Le président Tebboune choisit la Kabylie rebelle pour préparer sa réélection

«Enfin, le meilleur stade d’Algérie, sinon d’Afrique, ouvrira ses portes, après quatorze ans d’attente et de travaux.» Kaci Tansaout, ancien militant du Hirak, le mouvement populaire qui a renversé Abdelaziz Bouteflika en 2019, ne cache pas son plaisir. Et ce, malgré les divergences qui le séparent du pouvoir central algérien. L’infrastructure flambant neuve a été inaugurée ce mercredi 10 juillet par le président Abdelmadjid Tebboune, peu avant le lancement officiel de sa campagne pour un second mandat. Et l’élu local est fier du stade Hocine-Aït-Ahmed de Tizi Ouzou (100 km à l’est d’Alger), qui sera l’un des porte-drapeaux de la Kabylie.

En chantier depuis 2010 avec un budget en constante augmentation, le nouveau stade de Tizi Ouzou est un symbole à lui seul. Outre sa belle apparence, il porte le nom d’un adversaire devenu légendaire. Après avoir été l’un des plus éminents chefs de la guerre d’indépendance, Hocine Aït-Ahmed a mené une insurrection armée contre le pouvoir d’Ahmed Ben Bella en 1963. C’est aussi l’une des raisons de la fracture entre cette région berbérophone rebelle et le pouvoir central d’Alger. Emprisonné, il s’évade en 1966 pour vivre en exil en Suisse, où il décède en décembre 2015.

L’histoire politique envahit régulièrement les terrains de football. La nouvelle enceinte accueillera désormais les matchs de la JSK, Jeunesse sportive de Kabylie, le club le plus titré d’Algérie et qui a toujours été un porte-étendard pour les militants de la cause berbère, très nombreux dans la région. Les matchs de ce club ont souvent donné lieu à un mélange de contestation sportive et politique dans les tribunes.

Politique de terrain

Selon les habitants de la région, il faudra bien plus qu’un monument, aussi populaire soit-il, pour réparer les relations tendues avec Alger. La visite d’Abdelmadjid Tebboune, conçue comme une opération de reconquête de l’opinion publique, était la première visite d’un chef d’Etat depuis cinquante ans, en dehors du temps officiel des campagnes électorales. Or, le président algérien n’est qu’à quelques heures de lancer sa propre candidature. Les préoccupations locales concernent l’entretien des routes, l’approvisionnement en eau potable, l’amélioration des transports et la pénurie de logements.

« Il nous faut un plan Marshall » pour la région, ose Amar (1), qui espère que l’arrivée du président Abdelmadjid Tebboune apportera un renouveau. L’annonce du dégel de certains projets, suspendus à cause de la crise financière, depuis la chute des prix du pétrole en 2014, devrait aller dans ce sens. La ville sera ainsi dotée d’un deuxième centre hospitalier et universitaire (CHU), qui s’ajoutera à celui construit pendant la période de la colonisation, même s’il a connu des extensions depuis. De nouveaux lotissements, une zone d’activités et une rallonge budgétaire pour le développement local étaient dans les valises de l’équipe présidentielle.

Une réticence persistante

« Sans l’éradication de la bureaucratie, rien n’avancera » nuance Mohamed, un petit entrepreneur dont l’ambition est freinée par « des procédures administratives qui finissent par décourager les plus ambitieux » Et « par la corruption » de certains fonctionnaires. « Si j’ai un message à adresser au président de la République, c’est de trouver les moyens de mettre fin à ces fléaux », a-t-il ajouté. suggère-t-il, calme mais amer.

L’offensive de charme du pouvoir en Kabylie vise à faire voter une population qui s’est abstenue de se rendre aux urnes lors de la présidentielle de 2019. Il y a cinq ans, pas un seul bulletin n’avait été déposé en Kabylie. Abdelmadjid Tebboune voudrait laver cet affront. Peu convaincu, Kaci Rahem, avocat, n’est pas prêt à lui accorder sa confiance. « Je comprends que certaines personnes recherchent un logement, un emploi… mais le fond du problème est politique : à voir les méthodes utilisées pour cette visite, cela montre que rien n’a vraiment changé » depuis Bouteflika. L’avocat rappelle que « Des militants sont toujours en prison pour leurs opinions et les espaces de liberté sont fermés » dans le pays. Une ancienne élue départementale, qui a préféré garder son nom secret, n’oublie pas le passé. « C’est sous Tebboune que la répression s’est abattue sur la région », rappelle-t-elle, en évoquant des arrestations opérées ces dernières années dans l’opposition, mais qui ont en réalité touché l’ensemble de l’Algérie.

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Une série de mesures pour calmer la colère

Pour le 62e anniversaire de l’indépendance, le 5 juillet 2024, le président algérien a signé deux décrets, l’un graciant 8 049 prisonniers, l’autre libérant ceux qui ont obtenu un diplôme pendant leur détention. Cette grande grâce nationale exclut les prisonniers politiques les plus redoutés. D’autres gestes ont été accordés. La fête de l’indépendance a été l’occasion d’une allocation géante de plus de 250 000 logements dans le pays. A Alger, un stade de 40 000 places vient d’être inauguré. En réponse au « Hirak de la soif », déclenché à Tiaret (280 km au sud-ouest d’Alger), l’armée a déployé une importante flotte de camions-citernes.

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.

Eleon Lass

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