Paris et Berlin s’affrontent sur la hausse des tarifs douaniers
Le géant chinois doit-il être lourdement taxé sur ses voitures électriques ? La réponse sera connue dans moins de 4 mois, date à laquelle des droits de douane supplémentaires pourraient être définitivement appliqués aux véhicules électriques en provenance de Chine pour une durée de 5 ans. Pour l’heure, la Commission européenne applique depuis le 4 juillet des droits de douane provisoires compris entre 17,4% sur les voitures BYD ou jusqu’à 37,6% sur les voitures SAIC à leur entrée en Europe, auxquels il faut ajouter les 10% déjà en place avant cette mesure. Une décision de l’UE prise à la suite de son enquête sur le dossier les subventions massives du gouvernement chinois à son industrie automobile, considérées comme contraires aux règles du commerce international.
Les États membres ont désormais 14 jours pour se prononcer sur cette mesure, et les fabricants concernés ont 5 jours pour exprimer leur désaccord. A l’issue de cette consultation, la Commission européenne présentera son Les mesures définitives seront soumises aux États membres et elles seront, cette fois, soumises à un vote contraignant. Les droits de douane définitifs ne pourront alors être validés que si plus de 15 des 27 pays européens y sont favorables et si cette proposition est soutenue par des États membres représentant au moins 65% de la population totale de l’UE.
Rien n’est donc décidé, d’autant plus que certains pays ayant un poids important en Europe s’opposent à cette augmentation des droits de douane, à commencer par l’Allemagne, qui craint une augmentation de l’inflation.
Un bloc du Nord en faveur du libre-échange…
» L’Allemagne est en principe opposée aux mesures protectionnistes. Cette position de principe est justifiée par le fait qu’un protectionnisme à long terme nuit au développement économique et à l’innovation et, par l’inflation, aux consommateurs. « , explique Jean-Michel Pinto, associé chez Deloitte.
Une conclusion validée par les propos du ministre des Transports, Volker Wissing, sur les réseaux sociaux, peu après l’annonce de l’augmentation des droits de douane : « C’est grâce à une concurrence accrue, à des marchés ouverts et à de meilleures conditions d’établissement dans l’UE que les véhicules doivent devenir moins chers, et non par une guerre commerciale et un cloisonnement des marchés. « .
L’Allemagne a également des intérêts commerciaux importants, car les grands constructeurs automobiles du pays comme Volkswagen, BMW et Mercedes exportent près de 36 % de leurs volumes vers la Chine. Cette dernière pourrait riposter et augmenter également ses droits de douane, pénalisant ainsi les constructeurs allemands. Par ailleurs, les Allemands craignent pour les usines de l’Empire du Milieu, qui pourraient voir leurs subventions chinoises restreintes. Enfin, l’Allemagne exporte des véhicules fabriqués en Chine vers l’Union européenne, dont les nouveaux droits de douane auraient un impact important sur leurs prix en Europe. Ces taxes » frapper les entreprises allemandes et leurs excellents produits « , résume Volker Wissing.
Aux côtés de l’Allemagne, la Suède réclame des sanctions moins sévères pour les mêmes raisons inflationnistes. D’autres pays d’Europe du Nord pourraient aussi voter contre, s’ils suivent leur système culturellement libre-échangiste. Par ailleurs, la Hongrie s’est également déclarée contre ces taxes, craignant des représailles auprès des constructeurs chinois, notamment le géant BYD qui l’a sélectionnée pour l’implantation de sa première usine en Europe. D’autres pays d’Europe de l’Est pourraient être tentés de suivre la Hongrie.
…contre un bloc du Sud protectionniste
Face à ces pays réfractaires, les pays du Sud de l’Europe, comme l’Espagne et l’Italie, sont particulièrement favorables à ces mesures protectionnistes, qu’ils jugent indispensables à la survie de l’industrie automobile européenne. Et pour cause, une grande partie des pays européens jugent impossible la bataille avec la Chine sur les véhicules électriques si cette dernière subventionne massivement son industrie, permettant ainsi de vendre des véhicules à très bas coût partout dans le monde. Ces droits de douane, appliqués pendant cinq ans, seraient donc surtout un moyen de gagner du temps et de parvenir à vendre des voitures électriques à des prix similaires à leur équivalent chinois.
Mais le pays qui a particulièrement pesé à Bruxelles sur cette mesure reste la France. Cette dernière est la puissance européenne qui a le plus intérêt à ce que ces droits de douane soient appliqués. En effet, Stellantis et Renault ont déserté la Chine depuis des années et le territoire français n’a pas attiré les constructeurs chinois pour y implanter leurs usines de production de véhicules électriques. Problème : la France fait actuellement face à une situation politique chaotique qui « se recroqueviller sur lui-même et lui faire perdre son influence à Bruxelles », prévient Sébastien Jean, économiste à Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM).
Le vote préalable à l’application des droits de douane définitifs dépendra donc des différents leviers d’ajustement que présentera la Commission européenne après avoir reçu les avis des pays membres de l’Union européenne.
Une annulation des droits de douane peu probable
« Il est assez peu probable que le vote soit défavorable, car il faudrait au moins 15 pays contre 27, la barre est très haute », anticipe Sébastien Jean.
De plus, l’économiste voit mal comment la Commission pourrait revenir sur une telle mesure : « Cette enquête est une mesure iconique de la politique de la Commission, qui aura une forte importance économique et une résonance symbolique. »
Il souligne également que si les grands industriels allemands peuvent faire pression sur leur gouvernement, plusieurs petites entreprises outre-Rhin souhaitent, de leur côté, être protégées contre l’arrivée de la vague chinoise.
Ainsi, sans que cette mesure soit annulée, il est possible que ces droits de douane soient abaissés ou que des entreprises ayant demandé un traitement particulier, comme Tesla, bénéficient d’un régime différent. Enfin, l’objectif principal de ces droits de douane est de contraindre la Chine à réduire ses subventions à son industrie automobile. Si tel était le cas avant la fin des quatre mois, il est alors possible que la barrière douanière à l’entrée dans l’Union européenne soit revue. La Commission a encore quelques mois pour y réfléchir et évaluer les risques, avant d’appliquer des droits définitifs pour les cinq prochaines années.