Le « Monsieur Écologie » de Marine Le Pen a perdu
Bourg-en-Bresse (Ain), report
Mais où est Andrea Kotarac ? Le conseiller écologiste de Marine Le Pen, candidat dans la 2e circonscription de l’Ain, est introuvable. Aucune trace de lui parmi l’équipe du Rassemblement national réunie à la préfecture de Bourg-en-Bresse pour l’annonce officielle des résultats. Il est également absent des affiches électorales, où son portrait n’a pas été imprimé aux côtés de ceux de Marine Le Pen et Jordan Bardella. Arrivé en tête au premier tour avec 39,20 % des voix, l’homme politique de 35 ans était pourtant en bonne position pour remporter ce territoire au nord de Lyon.
« Oh mon Dieu »étrangle un jeune homme blond, le visage grêlé et la veste froissée. Calliste Bonaldi, le suppléant d’Andréa Kotarac, vient de voir les premiers résultats tomber. Le barrage républicain a tenu dans l’Ain. Le député sortant Romain Daubié, membre de l’ancienne majorité présidentielle, a été réélu avec 55,09 voix. % des voix. Un score obtenu grâce au retrait du candidat écologiste Maxime Meyer, arrivé en troisième position au premier tour.
D’un pas rapide et le visage fermé, Calliste Bonaldi s’éloigne pour annoncer la mauvaise nouvelle à son candidat par téléphone. Ce dernier serait « avec des militants en petit comité à Miribel » — dans la banlieue de Lyon, à une soixantaine de kilomètres. Son équipe nous avait assuré qu’il serait présent à la préfecture ce dimanche soir. Sollicité par ReporterreAndréa Kotarac n’a pas souhaité commenter les résultats.
Malgré cette défaite, le score du Rassemblement national montre l’influence croissante de l’extrême droite dans ce territoire périurbain et rural. Il y a récolté trois fois plus de voix qu’aux législatives de 2022. C’est pourtant dans ce bastion conservateur que le militant climatique Lumir Lapray avait réalisé à l’époque un score record. « La campagne n’est pas un échec, nous avons fait beaucoup de progrès depuis 2022souligne Calliste Bonaldi. Nous avons été bien accueillis sur les marchés et nous avons réussi à créer un réseau territorial. »
Un boom électoral malgré la division locale du parti. Olivier Eyraud, candidat du Rassemblement national en 2022 a été écarté au profit d’Andréa Kotarac. Vexé, cet agriculteur à la retraite a mené sa propre campagne en dissidence.
Un parachutage de circonstance après les bons résultats du parti d’extrême droite aux élections européennes ? « Andrea est venu chez nous parce qu’il est spécialiste des questions écologiques et énergétiques, et parce que le plus grand employeur de la région est EDF grâce à la centrale du Bugeydéfend Calliste Bonaldi. S’il avait été élu, il aurait souhaité que la France investisse massivement dans le nucléaire. »
« Le nom d’une boule puante »
Aujourd’hui présidente du groupe Rassemblement national dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, Andréa Kotarac a fait ses armes à Lyon au sein de La France insoumise.LFI). Cet ancien soutien de Jean-Luc Mélenchon a changé d’avis lors des élections européennes de 2019 en appelant à voter pour la liste (déjà) conduite par Jordan Bardella.
« Kotarac est le nom d’une bombe puante de fin de saison »le patron de LFI sur X (ex-Twitter). Si Marine Le Pen s’est délectée de ce prix de guerre, les anciens camarades d’Andréa Kotarac y ont vu la trahison d’un opportuniste en quête d’ascension politique.
Le transfuge fonde la même année avec l’ancien député européen le microparti Les Localistes. Infirmière autorisée Hervé Juvin, le « Monsieur Écologie » par Marine Le Pen. Leur mantra : lier écologie, identité et territoires. Comprendre : circuits courts, protectionnisme et réindustrialisation. Condamné pour violences conjugales, Hervé Juvin a été exclu du parti en 2022, laissant la place à son protégé.
Au printemps 2023, Andréa Kotarac s’est vu confier la gestion d’une dizaine de hauts fonctionnaires, ingénieurs et élus pour réaliser un livret résumant les propositions du parti en matière d’écologie. Ce document, censé explorer les enjeux de mobilité, d’énergie, de biodiversité et d’agriculture, n’a jamais été publié.
L’ancien rebelle a profité de son siège au conseil régional pour s’opposer aux éoliennes « qui défigurent nos territoires » et défend l’énergie nucléaire, photovoltaïque et hydroélectrique. Il ne manque jamais une occasion de critiquer les décisions européennes, comme le plan « De la ferme à la table » du Pacte vert dont « règles environnementales »c’est-à-dire une moindre utilisation des pesticides, conduirait selon lui à une diminution de la production et des revenus des agriculteurs.
Le président du groupe critique régulièrement « écologie punitive »caractérisé selon lui par le plan Zero Net Artificialisation (ZAN) — qui vise néanmoins à défendre la biodiversité et les terres agricoles — et les zones à faibles émissions (ZFE), qui réduisent la circulation des voitures les plus polluantes. Un avant-goût de l’écologie d’extrême droite dont l’Assemblée nationale vient de s’épargner.