« Le danger surgit lorsque l’identité devient idéologie, lorsqu’elle se fixe sur un drapeau ou sur la robe d’un moine. »
Ancien maître de l’Ordre des Prêcheurs (nom officiel des Dominicains), l’Anglais Timothy Radcliffe, 78 ans, est une voix importante au sein de l’Église catholique. Il a participé à la première assemblée générale du synode sur l’avenir de l’institution, et a dirigé la retraite spirituelle organisée à la veille de son ouverture, le 1euh et le 2 octobre 2023, et participera au deuxième, en octobre prochain.
Le dominicain polonais Lukasz Popko, 46 ans, est chercheur et enseignant à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Tous deux viennent de publier Demander à Dieu (Cerf, 336 pages, 24 euros), dans lequel ils proposent une relecture de la Bible à travers les questions que les personnages posent à Dieu, et vice-versa.
Plutôt que de se concentrer sur les réponses apportées par la Bible, votre livre se concentre sur les questions qui y sont posées. Pourquoi cette approche ?
Timothy Radcliffe : Il nous faut de l’imagination théologique, sinon nous ne saurons répondre aux défis de notre temps. Nous vivons dans un monde où le fondamentalisme gagne du terrain partout, y compris au sein de l’Église, où existe la tentation d’adopter une lecture littéraliste des textes sacrés. Cependant, les questions posées par la Bible stimulent notre imagination et peuvent nous aider à dépasser nos préjugés, à découvrir de nouvelles façons de voir le monde.
Lukasz Popko : Il n’y a pas de bonne conversation sans une bonne question au départ. Lire la Bible à travers le prisme des questions qu’elle soulève permet de souligner le caractère inattendu des réponses qu’elle apporte. Ainsi, le tout premier dialogue qui s’instaure entre le divin et l’humain commence par une question : « Homme, où es-tu ? » (Genèse 3, 9-13), posée par Dieu à Adam qui se cache après avoir mangé un fruit de « l’arbre de la connaissance ».
Cette histoire nous dit au moins deux choses. D’abord, l’être humain est puni pour avoir supposé qu’il pouvait tout manger, tout posséder, incapable de se fixer des limites. Ensuite, c’est par une question ouverte et non par une accusation que le silence est rompu et que le dialogue renoue.
Quelle est la question qui vous a le plus marqué dans la Bible ? Peut-elle encore trouver un écho chez nous aujourd’hui ?
TR: J’aime beaucoup la question que Dieu pose au prophète Élie (1 Rois 19:9-18) : « Pourquoi es-tu ici ? » Cette question, chacun se la pose, et nous la posons différemment à l’école, à l’université ou sur notre lit de mort. Elle nous invite à renouveler sans cesse nos réponses et à reconsidérer le sens que nous donnons à l’existence.
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