«Six mois après l’attaque du 7 octobre, l’incroyable inversion accusatoire»
FIGAROVOX/CHRONIQUE – Six mois après les massacres commis par le Hamas, Israël a été vaincu médiatiquement, et se retrouve désormais sur le banc des accusés, regrette notre chroniqueur.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il vient de publier Journal de guerre. C’est l’Occident qu’on assassine (Fayard).
Le 7 octobre, six mois plus tard. Que reste-t-il de sa mémoire ? Rien ou presque rien. Les morts de Gaza ont enterré ceux du kibboutz dans le tombeau de la mémoire collective, manipulée par les médias. Ma tâche est d’autant plus ingrate que certains pourraient penser que cette subjectivité que je ne dissimule pas, que cet engagement dans un camp que je revendique pleinement, affecterait ma crédibilité. Prendre parti serait-il partial ? Je ne sais pas, les gens voudront me juger objectivement en fonction de mon argumentation qui se veut honnête. Il faut dire la vérité : Israël a été vaincu dans les médias sur le terrain idéologique ouvert. L’État juif est désormais banni de toutes les nations. Mais j’ai annoncé dans mon Journal de guerre qu’il ne pouvait en être autrement.
Dès le 10 octobre, j’écrivais déjà : « Prise de rendez-vous. Israël répond par des bombardements massifs sur une zone urbaine. Comme les Alliés sur la France occupée. Gaza assiégée. J’ai l’intention de fixer une date. Le grand pogrom commis par les islamo-nazis remonte à trois jours et la véritable réponse d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et que les Arabes de Palestine soient présentés comme des martyrs du génocide. Le chef de l’armée israélienne ne sera pas Montgomery mais Rommel. Et le Tsahal sera la Reichswehr..
Nous voilà. Le terme « génocide » est utilisé en toute impunité contre l’État juif, avec une jouissance à peine dissimulée. Ceux qui l’utilisent du soir au matin sont évidemment les rebelles qui, de Thomas Portes à David Guiraud, se livrent à un concours d’épines venimeuses. Il y a aussi Jean-Luc Mélenchon, lui qui, à propos des Ouïghours, avait passé beaucoup de temps à expliquer pourquoi, convaincant autant que délicat, il hésitait à utiliser un tel terme à propos de la Chine communiste. des connotations tragiques. Et peu importe que les Juifs français paient le prix de leurs délires verbaux. Les villes islamisées se régalent de leurs citations. J’ai voulu répondre aux griefs attribués à la brutalité inévitable des bombardements d’une armée avec des analogies contemporaines comme les bombardements massifs alliés de Mossoul et de Raqqa qui n’ont pas donné lieu, loin de là, à un tel déchaînement de paroles et à des excommunications médiatiques.
Un ancien premier ministre vient de le faire ce dimanche 7 avril à ma place. Lors du Forum RadioJ, Manuel Valls a confirmé que la France avait participé à des bombardements massifs qui ont tué des milliers de civils à Mossoul lors de frappes de la coalition internationale dont elle faisait partie à partir du 8 août 2014 et alors qu’il était Premier ministre. Ce qui l’a amené à comparer Mossoul et Gaza : « Il y a eu des centaines, des milliers de morts civils utilisés comme boucliers par l’État islamique à Mossoul (à partir du 8 août 2014) à cause des bombardements de l’armée irakienne et de la coalition internationale à laquelle nous avons participé en tant que Français ».
Le grand intellectuel palestinien Mahmoud Darwish a concédé sans hésitation que les Arabes de Palestine avaient eu l’opportunité médiatique inattendue d’avoir les Juifs comme adversaires…
Gilles-William Goldnadel
Question du journaliste Frédéric Haziza : « Alors la France a tué des civils ?. Réponse de l’ancien Premier ministre : « Oui, il y a eu des centaines, des milliers de morts, de civils utilisés comme boucliers humains par l’État islamique. Oui malheureusement il y a eu des morts parce que c’est la guerre ». Question : « Donc, ce qui se passe à Gaza est similaire à ce qui s’est passé à Mossoul ? ». Répondre : « Les objectifs du Hamas, qui a utilisé les mêmes méthodes, peut-être pires que l’État islamique, pour attaquer les Israéliens, n’ont rien à voir avec l’autodéfense d’un État démocratique qui ne peut pas supporter qu’une organisation terroriste recommence à chaque fois. c’est une chance..
Tout est dit. Et bien dit. Je déplore sincèrement les malheureux enfants morts de Gaza. Mais je refuse catégoriquement de confondre un terroriste qui massacre volontairement un civil avec un militaire qui tue involontairement un civil pour atteindre le terroriste qui se protège derrière son corps. A Mossoul comme à Gaza. Dans mon Journal de guerreet toujours à partir du 10 octobre, j’annonce cette nazification du juif qui ne peut que venir : « L’explication n’est pas seulement politique ou médiatique. Elle ne repose pas seulement sur l’immensité du Nombre et l’énormité de l’Argent face à l’unique et au tout petit. Sur la presse d’extrême gauche toujours en majesté, qui fait preuve d’un esprit critique aiguisé pour l’Un et d’une indulgence bien coupable pour l’Autre. Sur ses relais pseudo-humanitaires, tous acquis en Palestine, d’Amnesty à MSF en passant par l’OMS. Sur le respect craintif et obséquieux envers la rue arabe dans sa sainte colère. Il y a tout cela et l’antisémitisme classique. Il existe cependant une explication inconsciente et psychiatrique qui les contient, mais qui les dépasse aussi : les Juifs sont des Blancs qui se défendent bec et ongles. Avant d’en finir avec le vieux mâle blanc mourant, abattons le jeune étalon occidental encore vivant..
Un esprit critique pourrait légitimement m’objecter que les armées alliées qui ont bombardé Mossoul et Raqqa étaient elles aussi occidentales et n’ont pourtant pas subi, loin de là, les mêmes remontrances et malédictions. C’est parce que presque personne ne s’inquiétait de Mossoul. C’est là qu’intervient l’obsession pour Israël et les Juifs. Les géographes anciens affirmaient que Jérusalem était située au centre du monde et ils n’avaient pas entièrement tort. Les conflits au Soudan et au Congo ont fait des millions de morts et de déplacés qui n’ont pas généré un millionième de mots que le conflit infiniment moins meurtrier entre Israël et le Hamas. Le grand intellectuel palestinien Mahmoud Darwish a concédé sans hésitation que les Arabes de Palestine avaient eu l’opportunité médiatique inattendue d’avoir les Juifs comme adversaires…
Dans l’inconscient occidental tourmenté, même un journaliste de bonne volonté affiche le plus souvent un esprit critique – parfois parfaitement justifié – à l’égard d’Israël qui n’a d’égal qu’une indulgence – parfois paternaliste – à l’égard de ses adversaires orientaux.
Gilles-William Goldnadel
L’examen d’un événement marquant survenu la semaine dernière montre à quel point les dés médiatiques sont serrés. Une frappe du 1er avril, très certainement et à juste titre attribuée à Israël, a notamment tué sept Gardiens de la révolution iraniens, dont un général de haut rang de la République islamique, à l’intérieur du consulat iranien à Damas. La radio publique France Info a immédiatement indiqué la gravité d’un tel événement, étant une « première » : la violation d’une légation diplomatique inviolable selon le droit international. Un journalisme digne de ce nom aurait nécessité d’être plus prudent. Il aurait rappelé l’attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires en 1992 puis contre l’Association mutuelle juive argentine (AMIA) en 1994 qui a fait une centaine de victimes sans doute plus innocentes que les Gardiens de la révolution iraniens. Un procureur argentin a émis des mandats d’arrêt contre des membres de la République islamique d’Iran, dont un ministre. La présidente argentine Cristina Kirchner a été poursuivie pour avoir tenté de ralentir les poursuites. Le procureur argentin a très probablement été assassiné. Un journalisme digne de ce nom aurait peut-être pu le rappeler.
A ce stade de désintérêt pour les crimes perpétrés par la République islamique, j’ai cherché avec curiosité des articles critiques consacrés à son vassal, le Hezbollah libanais, qui, en solidarité avec le Hamas, a attaqué Israël à partir du 7 octobre. Après tout, c’est cette organisation classée terroriste qui est également responsable de la mort de 58 soldats français lors de l’attentat du 23 octobre 1983 contre le camp du Drakkar à Beyrouth. Je n’en ai trouvé aucun qui soit délibérément critique ou en Le monde ni dans Libérer. Aucune comparaison possible avec l’acrimonie journalistique critique quotidienne générée par le gouvernement israélien très discutable mais très démocratique. Cela donne du crédit à ma théorie de la seule haine de l’État-nation occidental blanc incarné par l’État juif. Doublement victime d’être blanc et juif…
A ce stade de ma lamentation, j’affirme que dans l’inconscient tourmenté de l’Occident, même un journaliste bien intentionné fait preuve le plus souvent d’un esprit critique – parfois parfaitement justifié – à l’égard d’Israël qui n’a pas d’égal qu’une indulgence – parfois paternaliste – envers son adversaires orientaux. Six mois plus tard, que reste-t-il du 7 octobre ? Quelques souvenirs de massacres, d’otages dont des bébés encore captifs mais oubliés et d’un petit pays attaqué, accusé, abandonné et acculé. Sauf que, fort heureusement, l’analyse qui précède ne concerne que le monde médiatique très idéologique et l’univers politique soumis à des contingences stratégiques et financières particulières.
Une enquête publiée le 7 avril par La Tribune dimanche montre que, contrairement aux médias et aux politiques, 66 % des Français conditionnent tout cessez-le-feu à la libération des otages capturés par le Hamas. Les Français, désormais insensibles à l’idéologie médiatique, sont solidaires du peuple israélien et ont appris dans leur chair le prix du terrorisme islamiste. Ces gens-là me consolent de l’injustice et de la bêtise des follicules atrabilaires.