Législatives 2024 : ce que proposent les programmes des trois blocs pour baisser le prix de l’énergie
Hausse de 8,6% des tarifs réglementés de l’électricité en février. Hausse de près de 12 % des prix du gaz prévue pour juillet. Légère baisse des prix à la pompe après la flambée d’avril… Alors que le pouvoir d’achat est la première préoccupation des électeurs pour ces élections législatives anticipées, l’énergie est un élément central des programmes des trois blocs concurrents. Avec, pour deux d’entre eux, des promesses de baisses de prix qui n’engagent que ceux qui y croient.
La stratégie en deux temps du Nouveau Front Populaire
Le thème de l’énergie est probablement celui qui a suscité le plus de débats au sein de la gauche. Pourtant, en seulement quatre jours, le Nouveau Front populaire (NFP) a trouvé un terrain d’entente, appuyé par le chiffrage du programme, vendredi 21 juin, qui révèle les modalités d’action contre la vie chère.
Première mesure d’urgence : le blocage immédiat des prix de l’énergie et des carburants. Un décret du Code de commerce le permet. Il avait pour objectif de se battre « contre les hausses ou baisses excessives des prix »pour une durée maximale de six mois, en « une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation de marché manifestement anormale dans un secteur déterminé ».
Deuxième fois : un « grande loi pour le pouvoir d’achat »dans lequel l’abolition de « la taxe Macron de 10 % sur les factures d’énergie » (ce qui reviendrait à remettre en place le bouclier tarifaire), l’annulation du « augmentation prévue du prix du gaz le 1ereuh Juillet « ainsi que « premiers kilowattheures gratuits et interdiction des coupures d’électricité, de chauffage et de gaz (sauf pendant les vacances d’hiver) ». Tout cela a un coût que le NFP souhaite couvrir par une réforme fiscale majeure apportant plus de 100 milliards d’euros de nouvelles recettes.
Mais le soutien du pouvoir d’achat se mesure aussi en économies : le PFN entend renforcer les aides à tous les ménages pour l’isolation complète des logements. Une couverture à 100 % est même prévue pour les ménages à faibles revenus.
Le maintien de prix bas nécessite une production abondante. Concernant le mix énergétique, « on ne touche pas au programme actuel ». Devant les représentants des organisations patronales, Éric Coquerel a affirmé, jeudi 20 juin, que le Nouveau Front populaire ne remettrait pas en cause la politique nucléaire française en cas de victoire aux élections législatives, et ce, au moins jusqu’en 2027. énergies renouvelables, le PFN soutient que « Les nouvelles dépenses sont principalement des investissements » visant à faire de la France le leader européen des énergies marines avec le développement de l’éolien offshore, tout en refusant la privatisation des barrages hydroélectriques.
Les promesses intenables du Rassemblement national
Du côté du Rassemblement National, l’aspect énergétique s’affiche comme un » priorité « . En cas de majorité, Jordan Bardella annonce une réduction immédiate de 30 % des factures en activant deux leviers qui pourraient rester bloqués.
Jeudi, lors de son audition par le Medef, la CPME et l’U2P, le président du RN s’est engagé à négocier avec la Commission européenne pour obtenir une dérogation française permettant de plafonner les prix en cas d’explosion des prix sur les marchés européens, à l’image de ce que font l’Espagne et Le Portugal l’a obtenu au printemps 2022. Vue de Bruxelles, la proposition a peu de chances d’aboutir.
Car la France est loin des conditions qui ont conduit à cette « exception ibérique ». Côté électricité, la péninsule est dans une impasse énergétique en raison du manque d’échanges avec son seul pays voisin, la France. Son influence sur les prix européens est donc minime.
Quant au gaz, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) via ses six terminaux méthaniers rendent la région quasiment déconnectée des aléas du marché continental. La France est au cœur des marchés de l’énergie, premier exportateur d’électricité avec son parc nucléaire, et dépendante des importations de GNL.
Pour soulager le pouvoir d’achat des Français, le bloc d’extrême droite prévoit également de réduire la TVA sur l’énergie et les carburants de 20 % à 5,5 %. La mesure serait inscrite dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Déjà soutenue par Marine Le Pen lors de sa campagne présidentielle, cette mesure représenterait un manque à gagner de 17 milliards d’euros par an, selon les chiffres de Bercy.
Pour le financer, le RN propose de mettre fin à certaines niches fiscales, de réduire de 2 milliards d’euros la contribution française à l’Union européenne et de lancer un audit des comptes publics, suggérant de nouvelles réductions jusqu’ici non identifiées.
Une mesure contre-productive, pour le directeur du Centre de recherche en économie et droit de l’énergie (Creden), Jacques Percebois : « Cela profiterait à davantage de vendeurs qui en profiteraient pour augmenter leurs marges. » Par ailleurs, la perspective d’une application immédiate semble illusoire.
« Si le Rassemblement national arrive au pouvoir, il faudra plutôt s’attendre à des pénuries, à une extrême volatilité des prix et à des effets néfastes sur l’environnement.«
Jacques Percebois, économiste de l’énergie
Une directive européenne impose une harmonisation des taux de TVA sur les carburants et interdit les taux réduits inférieurs à 15 %. La France pourrait, dans ce cas, choisir de négocier avec Bruxelles pour obtenir une autre dérogation ou devenir illégale, s’exposant ainsi à des sanctions.
Reste à savoir si la production d’électricité sera suffisante pour maintenir les prix à un niveau bas. Là encore, le RN ne déroge pas à sa ligne traditionnelle. D’une part, l’arrêt des énergies solaire et éolienne qui « défigurer les paysages »mais représentent près de 15% de la production actuelle.
Un moratoire sur l’énergie éolienne et solaire serait pris, conformément à la feuille de route de Marine Le Pen en 2022, et une partie du parc éolien existant serait démantelée. En revanche, miser un peu sur l’hydroélectricité et beaucoup sur le nucléaire, avec la construction de 20 EPR, dont dix d’ici 2031 et dix autres à partir de 2036, ainsi que de petits réacteurs SMR.
L’économiste de l’énergie Jacques Percebois persiste : « Si nous bloquons les énergies renouvelables intermittentes et que les structures nucléaires ne sont pas prêtes à temps, nous serons obligés, d’ici là, d’importer aux heures de pointe et de produire du gaz dont nous ne pouvons pas contrôler le prix. En pratique, si le Rassemblement national arrive au pouvoir, il faudra plutôt s’attendre à des pénuries, à une extrême volatilité des prix et à des effets néfastes sur l’environnement. »
Renaissance se concentre sur le tout-marché
Le camp présidentiel, représentant autoproclamé du sérieux budgétaire, joue aussi sur la corde du pouvoir d’achat en promettant une réduction de 10 à 15 % des factures d’électricité à partir du 1euh février 2025, soit environ 200 euros par foyer, selon le gouvernement. « Grâce à la réforme du marché européen de l’électricité que nous avons réalisée »les prix vont baisser, s’est vanté Gabriel Attal, samedi 15 juin, au journal France 2.
Ce texte, adopté par l’Union européenne le 11 avril, vise à encourager deux formes de contrat de longue durée. D’une part, les Power Purchase Agreements (PPA), contrats de vente directe entre un client d’électricité, souvent de grandes entreprises énergivores, et un producteur, d’une durée de cinq à vingt ans.
De l’autre, les « contrats sur différence » (CFD), prévoyant que les pertes des producteurs et des investisseurs soient compensées par l’État, ce dernier pouvant, à l’inverse, récupérer les éventuels excédents de revenus.
Cette réforme protège donc davantage les grandes entreprises que les utilisateurs. « Loin de permettre aux consommateurs de bénéficier de tarifs justes et stables, notamment en ce qui concerne le tarif réglementé, ce projet prolonge et amplifie une exposition artificielle et inacceptable des factures des consommateurs aux prix des marchés internationaux »les associations de consommateurs UFC-Que Choisir et la CLCV s’étaient alarmées dans un communiqué début mars.
Si le Premier ministre n’a pas besoin de brandir un nouveau bouclier tarifaire pour provoquer cette réduction, c’est tout simplement parce qu’il espère que les marchés vont évoluer à la baisse. « La promesse que Gabriel Attal présente aux Français comme mesure de campagne n’est en réalité que la conséquence de la logique du marché »souligne l’économiste Jacques Percebois.