Un procès pour corruption requis contre Thales, la DCNI et d’anciens dirigeants
Vers un procès pénal pour une affaire qui refait surface 22 ans plus tard ? En France, le parquet national financier (PNF) a demandé le licenciement de Thales et DCNI, trois anciens dirigeants et un intermédiaire, pour des soupçons de corruption dans la vente de sous-marins à la Malaisie en 2002.
Au cœur de cette enquête ouverte en 2009 par une plainte de l’association malaisienne anti-corruption Suaram, des contrats conclus parallèlement à la vente, après plusieurs années de négociations, de deux sous-marins Scorpène et d’un sous-marin Agosta par la DCNI – la branche internationale de la Marine La Direction de la construction (DCN), alors détenue à 100 % par l’État, s’est alliée à Thales, l’un des principaux groupes de défense mondiaux, pour près d’un milliard d’euros.
La justice française soupçonne certains de ces contrats d’avoir servi d’écran de fumée pour soudoyer le ministre malaisien de la Défense de l’époque, Najib Razak, afin qu’il choisisse l’offre française.
L’un de ces contrats prévoyait le paiement par DCNI de 30 millions d’euros au titre des frais d’exportation vers la filiale Thales international Asie (Thint Asia).
Thint Asia a versé une somme similaire à une entreprise locale, Terasasi, pour des services de conseil. Pour la justice, cette société, dont le principal actionnaire était l’influent intermédiaire Abdul Razak Baginda, proche de Najib Razak, a été utilisée pour faire transiter l’argent de la corruption présumée.
Le 3 juin, le PNF a demandé un procès devant le tribunal correctionnel, a appris l’AFP jeudi de sources proches du dossier et de sources judiciaires.
DCNI, désormais filiale de Naval Group, pourrait comparaître pour corruption active d’agent public étranger et complicité d’abus de confiance, et la holding Thales et deux de ses filiales principalement pour complicité de corruption active d’agent public étranger.
Interviewé par l’AFP, Thales et DCNI « fortement contesté » les faits allégués.
Le ministère public a également requis un procès contre deux anciens PDG de DCNI, Dominique Castellan (1991 à 2001) et Philippe Japiot (2001 à 2008), ainsi qu’un ancien président de Thales International, Jean-Paul Perrier.
L’avocat de M. Castellan, Me Alexis Gublin, n’a pas souhaité faire de commentaire, pas plus que Me Caroline Toby, l’avocate de M. Baginda.
La décision finale sur un procès appartient au juge d’instruction.
« Les investigations ont permis d’établir un système de corruption sophistiqué et de manière particulièrement accablante »ont estimé les avocats de Suaram, Me William Bourdon et Vincent Brengarth. « Il s’agit d’un cas emblématique de la politique de corruption internationale d’agents publics étrangers par un groupe français. »
Selon les réquisitions du parquet financier consultées jeudi par l’AFP, la société Terasasi, au « cohérence limitée » et qui » pas de travail « de conseils « n’a pas été trouvé lors d’une recherche » chez Thales et DCNI, « servi de véhicule légal » pour le « remises ».
Un ancien responsable de la DCNI a admis au cours de l’enquête que Terasasi était un » coquille vide « éviter « contrat en son propre nom » avec M. Baginda. Afin, selon le procureur, de « maintenir une apparence de conformité » normes anti-corruption.
Elément cardinal dans la défense des deux sociétés, Thales a assuré vendredi que « Les douze années d’enquête ont confirmé qu’aucune somme n’a jamais été versée directement ou indirectement à un quelconque agent public en Malaisie ». M. Razak lui-même les a niés.
La magistrate Aude Buresi, anciennement chargée de ce dossier, a reconnu en septembre 2020 que« aucun mouvement financier ne permet d’établir le versement de commissions directement à M. Razak par M. Baginda ».
Mais pour le PNF, la DCNI et Thales « on ne pouvait pas ignorer les véritables bénéficiaires des fonds ».
Devenu Premier ministre, Najib Razak est tombé puis condamné en Malaisie à la prison en 2022 dans le cadre d’un gigantesque scandale de détournement de fonds publics, baptisé 1MDB.