70 % du plastique qui atteint l’océan « disparaît » : les chercheurs pensent savoir où il se cache
« Nous avons besoin d’un texte qui aborde la question de l’héritage, de la pollution existante, qui reviendra sur nos côtes même après que nous aurons fermé le fameux robinet du plastique. »C’est ce que vient d’affirmer Inger Andersen, directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), à propos du futur traité international sur le plastique (SudOuest avec AFP, 23 septembre 2024).
En effet, la production annuelle de plastique a plus que doublé en vingt ans pour atteindre 460 millions de tonnes, et pourrait tripler d’ici 2060 si rien n’est fait (Organisation de coopération et de développement économiques, février 2022).
« Une partie de ce plastique est rejetée dans l’océan, où il se dégrade en microplastiques. »« Cela signifie que les scientifiques ont une compréhension approfondie de la façon dont les choses évoluent et comment elles évoluent », souligne Suppakarn Jandang dans un communiqué de presse de l’université de Kyushu au Japon. Professeur à l’Institut de mécanique appliquée, il est le premier auteur d’une étude publiée dans la revue Science of the Total Environment (18 septembre 2024).
Extraction de microplastiques à partir d’échantillons de coraux
Lui et ses collègues de l’université Chulalongkorn en Thaïlande voulaient étudier le devenir des particules issues de la fragmentation des déchets dans le milieu marin, et ainsi contribuer à résoudre le mystère du « plastique manquant » dans les océans. Leur hypothèse : une partie des « microplastiques » s’accumulerait en réalité dans l’organisme du corail, cet animal constructeur de récifs.
« Le corail possède trois parties anatomiques principales : le mucus de surface (extérieur du corps), le tissu (partie interne) et le squelette, c’est-à-dire les dépôts durs de carbonate de calcium que l’animal produit »explique le professeur Jandang. « Notre première étape a consisté à développer un moyen d’extraire et d’identifier les microplastiques de nos échantillons de coraux. »
Sur les récifs côtiers de l’île de Si Chang, dans le golfe de Thaïlande, les chercheurs ont collecté et étudié quelque 27 échantillons de coraux de quatre espèces différentes. Après une série de lavages chimiques pour « décomposer » chaque couche anatomique du corail avant de filtrer son contenu, ils ont compté un total de 174 particules microplastiques.
La plupart de ces particules mesuraient entre 101 et 200 μm, soit l’épaisseur d’un cheveu humain, précise l’étude. Leur répartition était la suivante : 38 % dans le mucus de surface, 25 % dans les tissus coralliens et 37 % dans le squelette corallien. Le nylon, le polyacétylène et le polyéthylène téréphtalate (PET) étaient les trois types de matériaux les plus courants.
Un « puits en plastique » pour des centaines d’années ?
D’après ces résultats inquiétants, le corail pourrait représenter un « puits » de plastique dans l’océan, à l’image des arbres absorbant le CO2 atmosphérique et séquestrant une partie du carbone dans leur bois et leurs racines. Des études complémentaires seront toutefois nécessaires pour vérifier l’importance de cette séquestration corallienne à l’échelle globale, en comparaison avec d’autres sites d’accumulation possibles.
« Étant donné que les squelettes de coraux restent intacts après la mort, ces microplastiques déposés peuvent potentiellement être conservés pendant des centaines d’années, tout comme moustiques « pris au piège dans l’ambre »comparer Suppakarn Jandang.
« Nous ne connaissons pas les effets des microplastiques sur la santé des coraux et de l’ensemble de la communauté récifale. Il reste encore beaucoup à faire pour évaluer avec précision l’impact des microplastiques sur l’écosystème. »ajoute le professeur Atsuhiko Isobe, qui a dirigé ces travaux (communiqué de presse).
Des travaux antérieurs avaient également mis en évidence l’existence d’une « rouille plastique », une fusion de plastique et de corail qui libère des contaminants dangereux dans l’océan.
GrP1