70 000 euros à payer ! La vie d’un couple tourne au cauchemar à cause d’une erreur de RIB en Charente-Maritime
LL’histoire pourrait faire sourire. Mais Florian et Émilie, un couple habitant la commune de La Jarne, en Charente-Maritime, ne dorment plus la nuit. En mars 2021, cinq jours avant la remise des clés de leur nouvelle maison, la secrétaire du constructeur Maison d’en France leur avait envoyé un RIB pour régler le reste à payer, « 176 509,85 euros », détaille machinalement Florian. «C’était urgent. J’ai immédiatement transmis l’e-mail à ma banque, lui demandant d’agir le plus rapidement possible. » Ce paiement entraînera leur perte.
L’artisan disparu était à la tête d’une obscure entreprise parisienne appelée Timbat, « une coquille vide », selon l’avocat des victimes.
A cette époque, le couple était heureux, possédant une maison toute neuve aux portes de La Rochelle. Mais quelques jours plus tard, un appel affolé de l’assistante met fin à la rêverie. « Elle nous raconte qu’elle a commis la plus grosse erreur de sa carrière. Elle s’est trompée de RIB ! Elle nous a effectivement confié le RIB d’un de leurs artisans, un artisan qui n’est même pas intervenu sur notre chantier. » Ils ne s’attendent pas à la suite. Pour eux, tout redeviendra normal. « On s’en amuse même sur les réseaux sociaux », rapporte Florian, qui n’a plus du tout envie de rire.
L’artisan a disparu
Les Jarnais étaient loin d’imaginer que Maison d’en France, à travers le siège de la Coopérative d’Habitation de Vendée, se retournerait contre eux et les assignerait en justice. L’artisan a fini par rembourser 106 000 euros au constructeur mais a conservé les 70 000 euros restants avant de disparaître. Il était alors à la tête d’une obscure société appelée Timbat, enregistrée à Paris, « une coquille vide », dit M.e François Drageon, l’avocat des victimes. Tout le courrier envoyé leur revient comme « adresse inconnue ». Il est actuellement introuvable.
Le 14 mai 2024, le tribunal civil du tribunal judiciaire de La Rochelle a rendu son jugement : « Il a déclaré l’artisan coupable, mais nous a quand même condamné à rembourser le constructeur à hauteur de 70 000 euros. Traduction : nous remboursons l’argent au constructeur, et l’artisan nous rembourse. Artisan dont la trace a été perdue. » Le jugement est rendu avec exécution provisoire, c’est-à-dire que, même si les époux font appel, ils doivent payer. «C’est absurde. Nous nous retrouvons donc à devoir payer ces 70 000 euros seuls à notre constructeur qui est, rappelons-le, le premier coupable de cette histoire en ne fournissant pas le bon RIB. »
« Une terrible perversité »
Cette erreur, au départ assez stupide, leur coûte désormais 4 500 euros de procédure. Émilie est secrétaire médicale, Florian technicien spécialisé chez Kiloutou. « Nous n’avons évidemment pas les 70 000 euros, nous sommes des gens modestes aux faibles revenus, parents de deux enfants inscrits à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées, NDLR), avec seulement notre maison que nous remboursons à hauteur de 900 euros par personne. mois. » Pour les aider à payer leurs frais de justice, ils ont ouvert une collecte de fonds en ligne sur leetchi.com. Une bouffée d’air frais dans une procédure qui est loin d’être terminée. Le couple a fait appel de la décision du tribunal mais aussi de l’exécution provisoire.
« Dans cette affaire, ce qui est surprenant, ce n’est pas la décision de justice mais le fait qu’une entreprise ait l’indécence de la demander », réagit M.e François Dragon. Mes clients paient intégralement, il y a une erreur RIB et le constructeur se retourne contre eux. Il leur conseille de mettre la banque en demeure et de poursuivre Timbat en justice. Mais pourquoi ne le font-ils pas eux-mêmes ? Parce qu’ils savent que Timbat est insolvable. C’est terriblement pervers. »
Le constructeur accuse la banque
De son côté, la Coopérative d’Habitation de Vendée agit sur la berge. « Il est essentiel de préciser que l’erreur du RIB aurait dû être corrigée par la banque de nos clients, qui a un devoir de conseil et de vigilance. (…) Avant le transfert des fonds, nous avons fait plusieurs tentatives de rappel du transfert en contactant l’établissement bancaire, mais celles-ci sont restées sans réponse. Malgré nos alertes répétées, le virement a été réalisé car l’ordre de virement contenant des coordonnées bancaires erronées avait été contresigné par nos clients. Les défaillances évidentes de la banque ont causé un préjudice non seulement à nos clients, mais aussi à notre entreprise, qui n’a pas été entièrement payée pour la construction de la maison. Lors de la procédure initiale, nos clients et leur avocat ont choisi de ne pas impliquer leur banque et nous n’avons pas pu poursuivre Timbat, avec qui nous n’avions aucune relation contractuelle dans le cadre du projet de construction. de la maison de La Jarne. »
Trois ans et demi plus tard, à travers l’ouverture de la baie vitrée du salon, Florian tire fort sur sa cigarette électronique. « Désolé, mais je suis très stressé par cette histoire. On passe notre temps à ramasser des papiers, on ne fait rien d’autre. Nous ne vivons que pour cela. Nous ne dormons plus. Nous dépérissons. » Ironiquement, Florian et Émilie sont les voisins de la secrétaire qui a tout déclenché. « On se dit à peine bonjour. »