L’arrivée des constructeurs chinois sur le marché européen bouleverse nos habitudes. Derrière les idées reçues et les discours alarmistes, que disent vraiment les chiffres de vente ?
MG domine le marché sans faire de bruit
La marque britannique aux racines désormais chinoises s’impose comme le grand vainqueur de cette offensive asiatique. Avec plus de 240 000 véhicules vendus en Europe en 2024, MG surpasse des marques établies comme Suzuki ou Mazda. Son SUV ZS, disponible en versions thermique, hybride et électrique, culmine à 97 901 immatriculations.
Ce succès ne doit rien au hasard. MG bénéficie d’un héritage européen qui rassure les acheteurs traditionnels et d’un réseau de distribution déjà solide avec près de 200 points de vente prévus en France cette année. Face aux surtaxes douanières de 35,3% imposées sur ses modèles électriques, la marque a intelligemment pivoté vers l’hybride, segment particulièrement prisé par les automobilistes européens.
- MG ZS (toutes motorisations) : 97 901 unités
- MG EHS (thermique + hybride rechargeable) : 53 942 unités
- MG 4 (100% électrique) : 51 775 unités
- MG 3 (hybride) : 31 274 unités
BYD : le géant qui avance à pas mesurés
Contrairement aux idées reçues, BYD n’inonde pas encore le marché européen. Malgré sa position de leader mondial avec 4 millions de véhicules électrifiés produits annuellement, le constructeur de Shenzhen n’a immatriculé que 50 000 voitures en Europe en 2024.
Ses modèles les plus performants sont le Dolphin et l’Atto 3, qui franchissent la barre des 10 000 immatriculations chacun. À titre de comparaison, la berline Seal ne totalise que 10 679 exemplaires, très loin des 112 000 Tesla Model 3 vendues sur la même période.
BYD semble également avoir adapté sa stratégie face aux droits de douane additionnels de 17% sur ses véhicules électriques, en mettant l’accent sur ses modèles hybrides rechargeables comme le Seal U DM-i. Cependant, l’accélération est imminente avec l’expansion rapide du réseau de concessions, une offensive marketing et la construction d’usines en Europe.
L’Europe à deux vitesses pour les marques chinoises
Le classement des ventes révèle une réalité complexe : la pénétration des marques chinoises varie considérablement selon les pays européens. La France, avec son marché verrouillé à 50% par Renault et Stellantis, s’avère particulièrement difficile à conquérir pour les nouveaux entrants.
À l’image des constructeurs japonais puis coréens avant eux, les marques chinoises privilégient les marchés “neutres” dépourvus de constructeurs nationaux puissants : Belgique, Suisse, Pays-Bas ou Europe du Nord. Cette stratégie explique le succès inattendu de certains modèles quasi-absents de nos routes françaises.
Le cas de l’Omoda 5 du groupe Chery est frappant : avec près de 15 000 immatriculations en Europe, ce SUV compact reste invisible en France où sa version thermique serait pénalisée par un malus écologique de 5 400 euros. En Italie, son prix attractif de 27 900 euros lui permet de concurrencer frontalement des modèles établis comme le Kia Niro.
Smart, Volvo et Polestar : quand la Chine s’habille en européen
La présence chinoise en Europe prend parfois des formes plus subtiles à travers des marques historiquement européennes. La Polestar 2, cinquième modèle chinois le plus vendu en Europe avec 21 608 exemplaires, reste méconnue en France en raison d’un conflit juridique avec Citroën.
Smart, désormais sous contrôle conjoint de Geely et Mercedes, place sa #1 dans le top 10 avec 13 369 unités. Paradoxalement, sa cousine technique Volvo EX-30, également conçue en Chine mais désormais assemblée en Belgique, se vend six fois mieux et bénéficie du bonus écologique français.
Modèle | Immatriculations (2024) | Type de motorisation |
---|---|---|
MG ZS | 97 901 | Thermique, hybride et électrique |
Polestar 2 | 21 608 | 100% électrique |
BYD Atto 3 | 13 926 | 100% électrique |
Smart #1 | 13 369 | 100% électrique |
Le premium et l’ultra-technologique : des niches prometteuses
Les constructeurs chinois positionnés sur le segment premium affichent des résultats encourageants malgré des volumes encore modestes. Xpeng a vendu près de 8 000 exemplaires de ses G9 et G6 en 2024, une base solide pour une marque encore peu connue.
À l’inverse, Nio n’a immatriculé que 1 700 véhicules malgré son positionnement innovant avec ses stations d’échange de batteries. Leapmotor, malgré son partenariat avec Stellantis, n’a écoulé que 1 200 T03 et C10, tandis qu’Aiways, pourtant pionnier sur notre continent, stagne à 500 immatriculations annuelles.
Cette diversité témoigne d’approches stratégiques très différentes. Au total, 31 modèles de 14 marques chinoises ont dépassé les 1 000 immatriculations en Europe – un seuil qui correspond aux ventes annuelles d’une Ferrari Roma ou à deux jours de commercialisation pour la Toyota Yaris.
Le cas particulier des assembleurs européens
Un phénomène intéressant émerge en marge de cette offensive : certains acteurs européens commercialisent des véhicules chinois sous leur propre marque. En Italie, DR Automobiles a vendu près de 10 000 exemplaires de son DR 5.0, un SUV compact dérivé d’un modèle Chery, à un prix attractif de 19 900 euros.
Cette stratégie lui a valu une amende de 6 millions d’euros des autorités italiennes pour avoir exagéré la nature “locale” de ses produits avec son slogan “Una storia italiana” et son logo aux couleurs nationales.
Ces nouvelles dynamiques redessinent profondément le paysage automobile européen. Si certaines marques chinoises comme MG s’imposent rapidement, d’autres adoptent une approche plus mesurée ou ciblée. Leur progression n’est ni linéaire ni uniforme, mais elle transforme durablement les équilibres du marché automobile. Cette diversification des offres et cette stimulation de la concurrence pourraient bien accélérer l’électrification du parc automobile européen dans les années à venir.
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