4 700 soudures par mètre, 40 000 pièces… Comment sont fabriqués les futurs TGV M dans l’usine Alstom de Belfort
La cinquième génération du train à grande vitesse SNCF est un concentré de technologies mais dans un premier temps, tout commence avec les tôles d’acier et les soudeuses. Reportage au sein de la cathédrale industrielle et historique d’Alstom qui est en charge de la fabrication des motrices.
Plus capacitaire, plus économe en consommation énergétique, bénéficiant d’un tout nouveau design très réussi, le futur TGV M devrait commencer à circuler vers le Sud-Est de la France au second semestre 2025 si tout se passe bien.
115 rames ont été commandées par la SNCF à son partenaire Alstom et la production a démarré sur plusieurs sites de l’industriel français. Un peu à l’instar d’Airbus, les différents composants du train sont fabriqués aux quatre coins de la France dans les différents sites du groupe (à La Rochelle, Le Creusot…)
Dans l’usine historique de Belfort, des équipes travaillent 24 heures sur 24 pour assembler le groupe motopropulseur du TGV M, soit toute la partie avant du train, cabine comprise.
Pour respecter les délais, ou du moins limiter les retards (les livraisons devaient débuter cette année), techniciens, soudeurs et peintres mettent les bouchées doubles pour livrer un véhicule automobile toutes les deux semaines et espèrent passer très prochainement à un véhicule automobile tous les neuf jours. afin de passer à une douzaine d’automobiles par an.
Cathédrale industrielle
Le défi est grand. Car il a fallu adapter la cathédrale industrielle historique d’Alstom pour ce train totalement nouveau par rapport aux générations précédentes de TGV.
« Le groupe motopropulseur est totalement nouveau par rapport à l’ancien, la chaîne de montage a été revue et ajustée pour s’adapter à ce nouveau produit », confirme Marion Faverger, chef de projet.
La centaine d’ouvriers dédiés à la ligne TGV M ont également dû revoir leurs méthodes à travers de nouvelles formations même si les étapes restent sensiblement les mêmes. Nous avons également eu la chance de visiter une partie de cet immense bâtiment construit en 1879.
Tout commence avec de l’acier, beaucoup d’acier. D’immenses plaques qui, découpées et soudées, constitueront ce qu’on appelle un « chaudron », ou le corps du moteur.
La soudure est une étape critique. « Il y a 4 700 soudures par mètre. Ils sont ensuite contrôlés au laser avec une tolérance d’un dixième de millimètre », explique Martial Marhem, responsable de l’atelier Chaudronnerie Peinture chez Alstom.
Les soudeurs sont également une denrée rare qu’Alstom chouchoute. Le métier n’attire pas, alors l’industriel lui-même forme et responsabilise les jeunes. Par ailleurs, au total, 180 personnes ont été embauchées au cours des dix-huit derniers mois pour ce projet.
Une fois assemblé, le chaudron passe ensuite à la peinture, opération qui mobilise 18 personnes pour pas moins de 8 étapes.
Dégraissage de la carrosserie, grenaillage, lissage des soudures, application de l’apprêt, de la fausse couleur, etc., il ne faut pas moins de 150 heures pour peindre complètement une carrosserie et attendre 10 jours pour le séchage.
Tous les coins sont inspectés car contrairement aux TGV précédents, il n’y a pas de laminage (adhésifs colorés) posé sur la caisse qui est peinte en blanc. La peinture représente 10 % du coût de production d’une motrice.
150 heures pour peindre le moteur
Le choix du blanc (qui divise un peu les ferrovipathes), et de la peinture au lieu d’un simple laminage (qui était la règle jusqu’à présent) n’est pas qu’une question de parti pris esthétique.
« La livrée de ce nouveau TGV était l’occasion de bousculer les modes de pensée habituels. Les couleurs choisies ont permis d’augmenter l’albédo (la part du rayonnement solaire qui est restituée à l’atmosphère, NDLR) de l’ensemble du train afin de de réduire significativement les besoins énergétiques pour le rafraîchissement en été et particulièrement lors des fortes chaleurs », explique Isabelle Le Saux, directrice de conception chez SNCF Voyageurs.
« Toute la livrée est désormais réalisée en peinture, infiniment plus résistante dans le temps », poursuit-elle.
Une fois sèche, la carrosserie reçoit la chaîne de traction, des centaines de kilomètres de câbles, l’électronique, ses équipements, l’aménagement de la cabine qui a été conçu en collaboration avec les chauffeurs de la SNCF. Il y a 40 000 pièces au total.
A terme, le TGV M modulaire peut transporter jusqu’à 20% de passagers en plus que les trains précédents, soit un maximum de 720 places au lieu de 634 dans un train classique avec une voiture supplémentaire (9 au lieu de 8) et ce grâce à un véhicule automobile de 4 mètres. plus court.
Il offre la possibilité d’ajuster le nombre de voitures à la demande au plus près des besoins du marché en transformant un espace de Première classe en seconde classe, en reconfigurant l’intérieur, en supprimant ou en ajoutant des sièges, des emplacements vélos ou bagages.
Question stratégique
Tout en consommant 20 % d’électricité en moins (et en émettant 32 % de CO2 en moins), une prouesse rendue possible notamment par le nouveau design de son nez allongé de 2,6 mètres, plus profilé qui génère moins de frictions dans l’air.
Parmi les autres nouveautés, le TGV M embarquera une batterie de secours (ou plug-in), qui devrait permettre au train de parcourir quelques kilomètres en cas de coupure de courant et d’alimenter la climatisation, la lumière à bord étant une vraie valeur ajoutée.
L’aménagement intérieur, qui reste encore un secret bien gardé, devrait faire la part belle au confort, aux services (dont le Wi-Fi digne de ce nom) et à un wagon-bar à deux étages présenté comme révolutionnaire. Il sera dévoilé en fin d’année, les places ont été présentées il y a quelques mois.
Le TGV M est un enjeu stratégique, voire crucial pour la SNCF, qui va débourser pas moins de 3,5 milliards d’euros pour acquérir 115 rames. « Il faut qu’elle accompagne la croissance du nombre de voyageurs et l’arrivée de la concurrence. »