298 morts, l’enquête toujours dans l’impasse, l’Australie veut demander des comptes à la Russie
17 juillet, 16h20
Un jeudi après-midi, le vol MH17 a décollé de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol à destination de Kuala Lumpur. A bord se trouvaient 196 Néerlandais, 43 Malaisiens et 38 Australiens. Parmi eux se trouvaient des spécialistes du sida, comme Joep Lange, qui se rendait à Melbourne pour une conférence internationale, et des familles, comme Peter et Jolette Essers et leurs deux enfants, ou Jeroen et Nicole Wals et leurs quatre enfants, qui étaient en vacances.
A 13h19 GMT et 56 secondes, à 10 000 mètres d’altitude, le Boeing 777 de Malaysia Airlines répond « Roméo novembre Delta, Malaysian one seven » à un centre de contrôle aérien ukrainien. Son dernier message. L’avion explose en plein vol, des débris se répandent sur 50 kilomètres carrés dans la région de Donetsk, contrôlée par les séparatistes prorusses.
Des morceaux du fuselage déchiqueté, y compris la queue de l’avion avec le logo de la compagnie aérienne malaisienne, ainsi que des bagages sont éparpillés sur une vaste zone près du village de Grabove.
Une enquête internationale, menée par le Bureau d’enquête néerlandais pour la sécurité (OVV), a été rapidement ouverte, mais le travail des enquêteurs a été compliqué par les combats intenses entre loyalistes et séparatistes, qui ont débuté en mai à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie.
Les corps ont été rapatriés aux Pays-Bas pour être identifiés. Les proches des victimes se sont rendus sur les lieux neuf jours plus tard, le sol était encore jonché de fragments de corps.
Missile expédié depuis la Russie
L’Ukraine et la Russie se sont rapidement mutuellement accusées d’avoir abattu l’avion.
Moins de deux mois après le crash, les enquêteurs internationaux affirment que le Boeing a été perforé en vol par des « projectiles à haute énergie », sans d’abord évoquer un missile. Petit à petit, des éléments d’un missile BUK sont identifiés, puis la « série 9M38 » dont il est issu.
Il a été établi plus tard que le système de missile avait été expédié depuis la Russie et lancé depuis l’est de l’Ukraine, contrôlée par les séparatistes prorusses. À ce stade, en septembre 2016, les enquêteurs ne précisaient pas qui avait tiré le missile. Mais pour Moscou, une chose était claire : « l’enquête est biaisée et motivée par des raisons politiques ».
Près de quatre ans après le crash, en mai 2018, l’enquête a conclu que le système de missile provenait de la 53e brigade antiaérienne basée à Koursk, en Russie. Moscou maintient qu’aucun missile russe n’a franchi la frontière russo-ukrainienne.
Trois peines de prison à vie
Seuls quatre hauts responsables séparatistes pro-russes de l’est de l’Ukraine ont été jugés par contumace pour l’accident.
Le 17 novembre 2022, les Russes Igor Girkin (opposant nationaliste devenu depuis critique du Kremlin et condamné en janvier en Russie) et Sergueï Dubinsky, ainsi que l’Ukrainien Leonid Khartchenko, ont été condamnés à la réclusion à perpétuité pour meurtre et pour avoir joué un rôle clé dans la livraison du système de missiles ayant détruit l’avion. Le 4e suspect a été acquitté. Aucun n’a assisté à ce procès qui a duré plus de deux ans près d’Amsterdam.
Aucun recours n’a été déposé. La Russie, qui a évoqué dès le début des « accusations sans fondement », dénonce une décision « politique ».
Enquête suspendue
Trois mois plus tard et après huit ans d’investigations, l’enquête, qui se poursuivait à la recherche d’autres suspects, est « suspendue », mettant à mal les espoirs des familles des victimes de voir tous les responsables jugés. « Toutes les pistes ont été épuisées (…). Il n’y a pas suffisamment de preuves pour de nouvelles poursuites », expliquait la procureure néerlandaise Digna van Boetzelaer en février 2023.
L’implication du président russe Vladimir Poutine dans la décision de fournir aux séparatistes de Donetsk le système de missiles qui a détruit le vol MH17 reste au stade de « fortes indications ». Mais sans « preuves complètes et concluantes », selon les enquêteurs.
Une procédure est toujours en cours contre la Russie auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale, une agence des Nations unies. Les Pays-Bas et l’Ukraine ont également déposé des plaintes contre la Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Une audience a eu lieu le 12 juin. Les sièges réservés aux représentants du Kremlin sont restés vides. Une décision de cette juridiction internationale, dont la Russie n’est plus membre depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, n’est pas attendue avant plusieurs mois.
L’Australie veut demander des comptes à la Russie
L’Australie, dont les 38 citoyens ont été tués dans l’accident, « ne sera pas détournée de son engagement à demander des comptes à la Russie », a déclaré la ministre des Affaires étrangères Penny Wong aux familles des victimes et aux responsables du gouvernement lors d’une cérémonie au Parlement à Canberra.