27 mai 1943, la réunion, prélude à la Libération

Ancien préfet de la République à Chartres, proche de Pierre Cot, Jean Moulin avait refusé, le 17 juin 1940, de signer une déclaration réclamée par les troupes allemandes mettant en cause les troupes coloniales françaises. C’est le premier acte de refus, qui n’a pas été suivi partout en France, loin s’en faut.
Relevé de ses fonctions le 2 novembre 1940 par le gouvernement de Vichy, il rejoint le général de Gaulle en 1941. Ce dernier lui confie la mission d’unir ou d’unifier la résistance intérieure.
Au 48, rue du Four, toutes les tendances politiques de la Résistance, de la droite au Parti communiste
C’est chose faite le 27 mai 1943, lorsque toutes les forces de la Résistance française (mouvements de résistance, partis politiques et syndicats) se réunissent dans un appartement au cœur de Paris, 48, rue du Four. Cette réunion clandestine réussit à rassembler toutes les tendances politiques de la Résistance, de la droite au Parti communiste.
Cette première réunion a réuni des représentants des huit principaux mouvements de résistance français (Coquoin pour « Ceux de la Libération » ; Jacques Lecompte-Boinet pour « Ceux de la Résistance » ; Claude Bourdet pour « Combat » ; Charles Laurent pour « Libération-Nord » ; Pascal Copeau pour « Libération-Sud » ; Jacques-Henri Simon pour « Organisation civile et militaire » ; Claudius Petit pour « Franc-Tireur » et Pierre Villon pour « le Front National de la Résistance »), ainsi que ceux du principaux partis politiques (André Mercier pour le PCF ; André Le Troquer pour la SFIO ; Marc Rucart pour les Radicaux socialistes ; Georges Bidault pour les Démocrates populaires ; Joseph Laniel pour l’Alliance démocratique et Jacques Debû-Bridel pour la Fédération républicaine) et syndicats (Louis Saillant pour la CGT et Gaston Tessier pour la CFTC) Pierre Meunier, secrétaire du Conseil national de la résistance (CNR), et Robert Chambeiron, secrétaire adjoint, étaient également présents à cette réunion fondatrice.
Restaurer la démocratie bafouée par l’Occupation…
Ensemble, ils décident de coordonner l’action de la Résistance et de préparer la future libération du territoire national, mais surtout ils mettent en œuvre la refondation de la République : il s’agit de restaurer la démocratie bafouée par l’Occupation et le régime de Vichy, mais aussi de renforcer ou d’élargir le modèle républicain à travers la social-démocratie ou l’État-providence.
L’historien Sébastien Albertelli a publié le télégramme envoyé par Jean Moulin (« Rex ») annonçant le succès de cette rencontre au Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) du général de Gaulle. Si le télégramme, daté du 29 mai 1943, mentionne la date du 25 mai pour la réunion, celle-ci n’a eu lieu que deux jours plus tard car l’un des membres n’a pas pu y assister. Le télégramme était déjà codé et écrit.
Peu importe, ce qui compte c’est l’importance stratégique de cette rencontre : c’est grâce à ce travail que l’autorité du général de Gaulle est reconnue et acceptée par l’ensemble de la Résistance. De plus, cette réunion a une portée politique considérable qui vise à créer une structure interne d’une résistance unifiée, afin de montrer aux alliés américains que celle-ci et le Comité national français sont représentatifs de la volonté du peuple et qu’il est inutile de poursuivre les manœuvres visant à éliminer de Gaulle au profit de Giraud en Algérie…
… Et reconstruire le pays sur la base de la justice sociale
S’ensuit alors un immense espoir en France après Stalingrad, et le CNR peut coordonner de nouvelles actions comme les manifestations des fêtes patriotiques du 14 juillet ou du 11 novembre. Il affirme rapidement ses fonctions de corps clandestin et, après plusieurs réunions, il adopte, le le 15 mars 1944, la « charte du CNR » (ou du « programme CNR ») qui définit la nécessité de la lutte armée et surtout la préparation de l’insurrection nationale, sans oublier les réformes à entreprendre pour reconstruire la République, mieux connu sous le nom des « Happy Days » qui inspirent les réalisations gouvernementales de 1944 à 1947.
Cette synthèse est devenue la référence pour toutes les forces politiques au début de la IVe République, affirmant avec vigueur le retour au régime républicain, la restauration des libertés et des partis politiques… Il s’agissait de créer « une véritable démocratie économique et sociale », participer au « éviction de la grande féodalité »et de promouvoir la « participation des travailleurs à la gestion de l’économie », « un plan global de sécurité sociale », « la sécurité de l’emploi » et « les nationalisations ».
Un tel projet s’enracinait dans le référentiel né du Front populaire
Un tel projet s’enracinait dans le cadre de référence né du Front populaire afin de reconstruire le pays et la société sur la base de la justice sociale. Une fois la Libération terminée, le retour à la République est marqué par une forte volonté de rénovation ou de refondation.
Le 21 juin 1943, moins d’un mois après cet événement fondateur, Jean Moulin est arrêté avec les chefs militaires des Mouvements unis de la Résistance (MUR), à Caluire près de Lyon, par Klaus Barbie, chef de la section lyonnaise du Sipo- DAKOTA DU SUD. Identifié tardivement, torturé par Barbie, il meurt dans le train qui le transfère en Allemagne.
Pourtant, malgré cette arrestation tragique, qui invite à comprendre comment la Résistance a dû faire face à la répression, aux chasses allemandes ou à la police de Vichy au quotidien, le CNR a poursuivi son chemin et a permis de préparer au mieux la Libération après la débarquements. de juin et août 1944, et de construire une nouvelle République.
Grb2