25 ans plus tard, qui a vraiment tué la Dreamcast ?
Le 14 octobre 1999, la Dreamcast sortait en Europe, un an après le lamentable échec de son lancement au Japon. À peine un an et demi plus tard, Sega tuait sa console et abandonnait le marché, alors en grande difficulté financière.
Avec une durée de vie de seulement trois ans, la Dreamcast fait partie de ces échecs vidéoludiques qui ont laissé des traces. Lancée le 27 novembre 1998 au Japon, et le 14 octobre de l’année suivante en Europe, la Dreamcast avait pourtant tout pour elle : un catalogue saisissant, une puissance jusqu’alors inégalée, et la possibilité, rare à l’époque, de pouvoir être connecté en ligne.
Cependant, Sega, alors fabricant de consoles, a tué sa console après seulement 8 millions d’exemplaires vendus. C’était le 31 mars 2001. 25 ans après son arrivée en France, la Dreamcast reste pour beaucoup un véritable cas d’école, qui a bien failli plonger son constructeur dans une catastrophe financière sans précédent.
Une console surpuissante vite dépassée
« La Dreamcast, c’était un peu le dernier espoir de Sega, se souvient Guillaume « Antistar » Leviach, journaliste jeu vidéo et streamer.
L’échec complet de la Saturn, prédécesseur de la Dreamcast lancée en 1995, pousse Sega à sortir une nouvelle génération de console, un an et demi avant la Playstation 2 qui devait arriver en magasin en 2000. Sega envisageait alors de continuer pour offrir une expérience de jeu proche des arcades.
» Au moment de sa sortie, la Dreamcast était sans doute la console la plus puissante du marché, et de loin. Mais un an plus tard, elle fut dépassée par la PS2, même si l’écart de puissance entre les deux machines était nul. « Ce n’est pas énorme non plus », remarque Oscar Lemaire, spécialiste de l’industrie du jeu vidéo chez Ludostrie et auteur du livre « L’Histoire de la Dreamcast » aux Troisièmes Éditions.
Parmi les jeux cultes de la Dreamcast, on compte sur des licences qui existent encore aujourd’hui : « Taxi fou a été l’un des plus grands succès de la console en Occident, et l’un des précurseurs de la liberté de mouvement dans le monde ouvert », rappelle Oscar Lemaire. « Shemnoué est un autre de ces précurseurs, conçu directement comme un jeu sur console, mais handicapé par le fait d’expérimenter quelque chose qui était encore très mal maîtrisé. »
« La Dreamcast a cessé d’exister dans les médias »
La Dreamcast souffrira d’abord d’une bataille rangée entre Sega Japan et Sega of America. Les deux divisions ne sont pas d’accord sur la voie à suivre, que ce soit au niveau marketing ou au niveau des développements actuels : « Même si la Mega Drive avait réussi à battre Nintendo aux USA, Sega Japon n’était pas très content de la façon dont Sega of America j’avais réussi sur le plan marketing », explique Guillaume Leviach.
Le boycott d’Electronic Arts, qui n’acceptera jamais de proposer un épisode de FIFA ou de NFL sur la plateforme, n’arrangera pas non plus les choses, notamment aux Etats-Unis.
La cause est connue : Sega développe ses propres jeux de sport en interne, NFL 2K Et NBA 2K. « Ce sont des jeux qui ont effrayé Electronic Arts qui les voyait comme des concurrents dangereux pour leurs propres jeux sportifs, au point qu’ils ont voulu forcer Sega à les annuler. »
Sega finira également par vendre ses licences sportives à Take-Two (qui possède notamment Rockstar, le studio derrière GTA) qui connaît le succès avec NBA 2K.
25 ans plus tard, si Sega a encore du mal à parler de l’échec de sa console, un coupable logique se démarque : la Playstation 2.
« Dès la sortie de la PS2, la Dreamcast a cessé d’exister dans les médias », rappelle Guillaume Leviach, qui rappelle aussi que, ironiquement, le président de Sega, Isao Okawa est décédé à peine 15 jours avant l’arrêt de la console. – décidé deux mois plus tôt.
« C’est ce que disaient les développeurs indépendants à l’époque : ils étaient intéressés par la Dreamcast, ils auraient été heureux de travailler dessus, mais ils savaient que c’était dans leur intérêt financier de se concentrer d’abord sur la PS2 et d’apprendre à la maîtriser », ajoute Oscar. Lemaire. « Ils savaient que cela fonctionnerait mieux, et comme une prophétie auto-réalisatrice, c’est en grande partie pourquoi cela a fait tellement mieux. »
Il conclut sur une note d’optimisme : « Sega s’est bien battu avec la Dreamcast, et c’est tragique pour eux, mais ils se sont retrouvés face au concurrent le plus fort de l’histoire des consoles. »
Une déclaration qui n’est pas sans rappeler le sort actuel de Microsoft avec Xbox, qui peine à convaincre les joueurs d’acheter ses consoles, alors que ses jeux connaissent du succès… sur Playstation 5.
Près de trente ans après son arrivée sur le marché, la Dreamcast est enfin devenue une console culte pour toute une communauté. Les moddeurs se sont ainsi lancés dans la création d’une version de Minecraft spécifique à la machine, et ses jeux officiels se vendent parfois plusieurs centaines d’euros.
On parlait même, en 2023, d’une « Dreamcast mini », une version miniature de la console dans la lignée de la NES mini et de la Super NES mini. Mais des problèmes de coûts ont finalement poussé Sega à abandonner le projet. Encore une fois.