24 Heures du Mans : Une nuit chez Ferrari
Minuit au Mans. Cela fait plus d’une heure que la nuit est tombée, et avec elle l’émotion des premières heures de course. C’est le moment où Ferrari se souvient qu’il s’agit d’une équipe italienne. « Ici, la tradition de minuit, ce sont les tortellini »annonce un mécanicien en costume rouge et jaune portant l’insigne du petit cheval cabré.
Derrière leur garage, toutes les équipes installent une structure temporaire qui agrandit l’espace et permet le stockage du matériel. Chez Ferrari, c’est des passages étroits et des espaces exigus, une ambiance de sous-marin jaune et rouge, couleurs historiques de la marque.
Dans un coin, à côté de tables encombrées d’ordinateurs portables, de casques rouges de mécaniciens et de magazines automobiles italiens, des tortellini bouillonnent tranquillement. Les uns après les autres, les quarante-quatre mécaniciens et ingénieurs qui occupent les deux garages des voitures officielles de la marque viennent se servir. Une touche de dolce vita dans un monde de métal et de noise.
Sur la piste, une voiture de sécurité lancée avant 23 heures a effacé l’avantage accumulé par Ferrari en début de soirée. Et depuis le redémarrage, la lutte fait rage contre Porsche et Toyota.
Il n’était pas tout à fait 2h00 du matin lorsque James Calado s’est arrêté au stand avec la N.51. Il est septième. Un mécanicien fait le plein, un autre, agenouillé sur le capot, nettoie le pare-brise, un autre encore change la gourde du pilote.
Chevaliers modernes
Dès que le carburant est terminé, les quatre préposés au changement de pneus ont le droit d’intervenir. Un duo change le train avant, un autre l’arrière. Temps d’arrêt total de la voiture : une minute et cinq secondes !
Calado, les mains sur le volant, ne bougeait pas. Il s’apprête à repartir pour un double relais (une heure et demie de route). « J’aime rouler de nuit, confiait-il à l’AFP la veille de la course, c’est plus difficile parce que les repères ne sont plus les mêmes que le jour, mais j’y suis habitué. »
La Ferrari N.51 rugit, prend place dans le cercle infernal et s’enfonce dans une obscurité sans étoiles. Dans le garage, la tension retombe. C’est l’époque où les regards se font plus distants. Nous économisons notre énergie. Nous nous concentrons uniquement sur notre tâche.
Les pneus usagés sont roulés vers le fond du stand. Chaque Hypercar a droit à 14 trains de pneus pour la course. Ceux qui serviront encore sont empilés quatre à quatre, au fond du garage.
En cette nuit de juin, où l’équipe travaille pour eux, les pilotes restent invisibles. Chevaliers modernes chargés de transformer le travail collectif en victoire, ils n’apparaissent à la tribune que gantés et harnachés, prêts à sauter au volant. Pendant que l’un conduit, l’autre se tient prêt en cas d’urgence. Le troisième est gratuit. Il se répare, se repose, ou se remet entre les mains de l’équipe ostéopathe.
«odeur de barbecue»
Calado, comme beaucoup de pilotes amoureux des « 24 Heures », apprécie le romantisme de ces longs relais nocturnes. « C’est ma dixième 24 Heures et j’aime toujours autant la nuit du Mans, sourit-il, ça sent les barbecues ».
Le Britannique, vainqueur de la course en 2023, avoue néanmoins qu’il attend toujours l’aube comme une libération : « Oui, c’est toujours beau, surtout quand le soleil se lève. Le sentier est toujours le plus rapide à l’heure dorée du matin..
Mais ce 16 juin, l’aube est une déesse timide. Il pleut, le ciel est gris et la course est annulée pour des raisons de sécurité dès que le jour apparaît.
Antonio Giovinazzi, le coéquipier italien de Calado, aurait-il préféré une bonne vieille explication sur une patinoire ? « L’année dernière, nous avons roulé la nuit sous la pluie », a-t-il déclaré vendredi. « Je peux vous dire que c’est très difficile, mais ça vous donne aussi une montée d’adrénaline, ça vous empêche de dormir, car c’est difficile de juger la nuit. la piste est mouillée, donc il faut être très attentif, surtout avec le trafic et les autres voitures que l’on doit dépasser. ».