Le prix du Bitcoin est ainsi passé de 44 000 dollars début janvier à 67 500 dollars début juin. (Crédits photo : Unsplash – Michael Förtsch)
La plateforme japonaise d’échange de cryptomonnaies DMM vient de perdre plus de 280 millions d’euros de bitcoins à cause d’une fuite non autorisée de son portefeuille numérique. Ce dernier exemple met en lumière les risques liés aux crypto-actifs, analysés par Catherine Lubochinsky.
Oublié l’année noire (2022) : de 60 000 dollars en novembre 2021, le bitcoin (BTC) ne valait plus que 16 000 dollars en novembre 2022, soit -76% en un an. L’année 2024 s’annonce sous de meilleurs auspices, à l’exception de la petite baisse de 15% en avril, grâce à la Securities and Exchange Commission (SEC) qui a finalement autorisé l’émission d’ETF BTC par les sociétés de gestion d’actifs en janvier dernier. Le prix du Bitcoin est ainsi passé de 44 000 dollars début janvier à 67 500 dollars début juin.
Enfin, les investisseurs particuliers peuvent spéculer facilement ! Plus besoin d’acheter des cryptos via des plateformes où les spreads et les commissions permettent à ces plateformes de faire fortune mais qui peuvent être hackées, détournées, voire faire faillite (Mt Gox, FTX…).
Blackrock est devenu numéro 1 sur le marché des ETF BTC en attirant 20 milliards de dollars (dans lesquels plus de 400 sociétés financières ou banques ont investi), soit presque l’équivalent de Grayscale BTC Trust ; Le fonds de Fidelity dépasse les 11 milliards de dollars (au prix actuel du Bitcoin, un prix dont la volatilité peut faire transpirer). Or, « à long terme », le prix va continuer à augmenter puisque l’offre est quasiment fixe, de quoi convaincre un nombre croissant d’investisseurs. L’utilisation des réseaux sociaux est extrêmement efficace.
Arrivée de nouveaux investisseurs
L’étude BRI (WP n°1049 R. Auer & al. novembre 2022) est révélatrice à cet égard : la hausse des prix du BTC est associée à l’entrée de nouveaux investisseurs attirés par une hausse de son prix, très similaire à celle du Bitcoin. comportement des investisseurs individuels en bourse. Mais au moment de la rédaction de l’article, les auteurs avaient calculé qu’environ 75 % des utilisateurs avaient subi des pertes sur leurs investissements BTC. Le haut degré de concentration des avoirs crypto permet en revanche aux plus gros détenteurs d’avoir une influence sur les prix, influence s’apparentant parfois à une manipulation (voire à un délit d’initié) donnant lieu à des poursuites judiciaires de la part des autorités américaines.
Chacun a toute liberté pour utiliser son épargne. Certains jouent à des jeux de hasard, d’autres s’amusent au casino, confirmant ainsi un résultat classique de la finance comportementale : une préférence pour un gain important avec une faible probabilité plutôt qu’une préférence pour un petit gain avec une forte probabilité (à gain équivalent attendu) .
D’autres achètent des bitcoins. Grâce à Kahneman et Tversky, on sait depuis longtemps que les individus ne sont pas rationnels dans leur prise de décision mais sont influencés par des croyances et des préjugés qui affectent leur perception du risque. Le comportement grégaire ne doit pas être négligé sous peine de devenir dépassé…
Devises alternatives
Par ailleurs, les « monnaies alternatives » sont à la mode. Comme le rappelle la lettre du Conseil du Numérique de novembre 2023, il existe environ 80 monnaies locales en France : du Pive en Franche Comté, au Rollon en Normandie, en passant par le Trèfle en Périgord. Il y a même du Ǧ1 en Mayenne enregistré sur une blockchain. Avis aux touristes : il vous faudra beaucoup de portefeuilles avec ce qui ressemble à un retour à l’économie du troc ! C’est amusant, mais probablement pas d’une efficacité optimale pour faciliter les transactions.
En tant qu’enseignant, qui considère que ces « actifs » ne possèdent pas encore les caractéristiques essentielles d’une monnaie mais qui ne les confond pas avec les stablecoins ou la monnaie numérique des banques centrales, ni avec la remarquable innovation que constitue la technologie sous-jacente des registres décentralisés, il est impensable pour moi d’inclure ces actifs dans un portefeuille financier diversifié. Evidemment le problème peut être différent pour un pays émergent mais l’expérience du Salvador ayant donné cours légal au Bitcoin à partir de 2021 n’est pas concluante : seuls 12% des Salvadoriens l’auraient utilisé en 2023.
En revanche, il est certain que les ETF Bitcoin devraient contribuer à une amélioration du RoE des sociétés de gestion.
Catherine Lubochinsky, membre du Cercle des économistes
Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas