1983-2024, deux « tournants de rigueur » difficiles à négocier
Sur le petit écran, le regard d’aujourd’hui est d’abord attiré par le décor : un papier peint aux motifs floraux luxuriants, bleus et mauves, qui ne font pas bon ménage avec le costume à fines rayures du ministre d’État. l’économie, au premier plan. Ce 25 mars 1983, sur Antenne 2, Jacques Delors est chargé de justifier le très lourd plan d’austérité adopté le matin même lors d’un conseil des ministres exceptionnel. Il cherche ses notes, bute sur certains mots, visiblement mal à l’aise. Il dramatise d’abord le problème – « Notre indépendance nationale est en jeu » –, se veut alors rassurant : cet effort certainement » massif « est seulement « provisoire »Et « on a complètement épargné les revenus les plus modestes »dit-il. Les mêmes phrases, ou presque, que prononcera Michel Barnier quarante et un ans plus tard.
Malgré quatre décennies de différence, le budget La « responsabilité » présentée par l’actuel Premier ministre rappelle à plus d’un titre le « tournant de rigueur » de 1983. Même tournant politique après de longues tergiversations puis un échec électoral, même ampleur de l’effort prévu, même objectif budgétaire, même refus de le mot « austérité » malgré une série de mesures, pour certaines assez similaires… Et la même question aujourd’hui comme hier : le plan de relance lancé par un dirigeant acculé financièrement portera-t-il les fruits espérés ?
En 1983, tout se cristallise dix jours avant l’intervention télévisée de Jacques Delors. Le 13 mars, la gauche, au pouvoir depuis deux ans, a essuyé une sévère défaite aux élections municipales. Il perd 31 grandes villes et ne dispose plus de la majorité des voix dans le pays. A l’Elysée, François Mitterrand hésite sur la manière de réagir. À ce coup de semonce politique se conjugue une situation économique problématique.
La relance keynésienne opérée en 1981 après la victoire socialiste n’a pas eu les conséquences escomptées. Elle a vidé les caisses de l’État sans être relayée par une reprise dans le reste du monde, où de nombreux pays ont pris des mesures d’austérité en réaction au choc pétrolier de 1979. Les importations dépassent largement les exportations. Le chômage a continué d’augmenter malgré les nombreux emplois créés dans le secteur public.
Un cocktail de dix mesures
Dès 1982, le Premier ministre Pierre Mauroy et son ministre de l’Économie Jacques Delors imposent des mesures d’austérité : dévaluation du franc, gel des prix et des salaires, augmentation de la fiscalité. Ils voulaient également limiter un déficit budgétaire de plus en plus préoccupant. « Ce déficit est d’environ 3% » produit intérieur brut (PIB), « et il ne doit pas dépasser ce pourcentage »» décréta François Mitterrand en juin 1982. Ce taux très rond, inventé alors par la direction du budget du ministère des Finances, aura un héritage exceptionnel : inscrit dans le traité de Maastricht en 1992, il sert aujourd’hui de boussole aux finances publiques dans tout le pays. pays. L’Europe, et le gouvernement Barnier espère le respecter en 2029.
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