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15 ans après les suicides de France Télécom, Orange est-il confronté à une nouvelle crise sociale majeure ?

Ces derniers mois, une dizaine de salariés de l’entreprise Orange se sont donné la mort. Syndicats et salariés font le lien avec les grandes restructurations en cours dans l’entreprise.

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Des salariés au siège de la multinationale française Orange à Issy-les-Moulineaux, le 5 avril 2022. (VINCENT ISORE/MAXPPP)

Cette enquête débute près de Rennes à Cesson-Sévigné où nous avons rencontré la veuve d’un salarié d’Orange qui s’est suicidé en 2023. Philippe Le Gall avait 53 ans, dont 32 passés chez Orange. A l’époque, il rejoint France Télécom comme fonctionnaire. Il gravit les échelons jusqu’à devenir ingénieur. Un métier qu’il adorait, raconte sa veuve Pascale Provot : « Quand nous parlions de travail, c’était toujours ‘Orange, Orange, Orange’, il reconnaissait que c’était un super travail et qu’il n’avait rien à redire. »

Pourtant, le 13 septembre 2023, l’ingénieur met fin à ses jours après une tentative de suicide un mois plus tôt. « Quand je suis rentré à la maison, il tournait dans le garage, je lui ai demandé ce qui n’allait pas. Il m’a dit qu’il voulait se suiciderdit Pascale. Je lui ai dit « mais pourquoi n’es-tu pas là ? Et il me répond : ‘Non, je n’arrive plus à gérer mon travail.’ Je n’arrive plus à arranger les choses. Je lui dis qu’en fait, s’il m’en parle, c’est pour me le faire savoir et qu’il ne le fera pas… Il répond : « Oui, oui, c’est un appel au secours. » Et puis, en fait, il l’a fait et il a fait exactement ce qu’il m’a dit. »

Ce jour-là, Philippe Le Gall se pendit dans son garage. Son nom s’ajoute à la longue liste des suicides chez Orange. Une trentaine depuis deux ans sur 65 000 salariés, selon les syndicats.

Les causes du suicide sont évidemment souvent multiples mais dans le cas de Philippe Le Gall, le lien entre son acte et son activité professionnelle ne fait aucun doute. Le suicide est requalifié en accident du travail. En octobre, Pascale Provot a reçu une lettre de l’assurance maladie qui« informe que le décès survenu suite à l’accident de M. Philippe Le Gall est couvert par la législation relative aux risques professionnels ».

La branche dans laquelle travaillait Philippe a été visée par un plan de départs volontaires avec 640 postes supprimés, dont une quarantaine de salariés qui restent aujourd’hui à reclasser. Philippe avait peur de perdre son emploi, raconte un de ses collègues.  » L’activité de Philippe se portait sur des réseaux un peu plus anciens et en déclin car désormais les nouvelles technologies sont le cloudexplique Christophe Cariou. Le métier de Philippe allait disparaître à moyen terme, dirons-nous. »

Pour suivre les évolutions technologiques, Orange est en pleine restructuration et de nombreux salariés sont inquiets. Plusieurs rapports de médecins du travail rédigés en 2023 et que nous avons pu consulter en témoignent. Ils montrent une augmentation de la charge de travail, une incertitude quant à l’avenir des emplois et des objectifs flous.

Le tout dans un climat social délétère, selon ce salarié, qui travaille en région parisienne, qui témoigne anonymement : « J’ai des collègues, en discutant avec eux, ils m’ont dit : ‘J’ai une boule au ventre le matin’.’ Certains sont revenus d’un burn-out. On parle de réorganisation d’entreprises, de services qui doivent s’adapter, de métiers qui doivent changer. Et surtout, derrière cela, nous n’avons pas une très bonne communication de la part de la direction pour expliquer les grands projets. »

« Nous sommes en 2024. Qu’il y ait encore des gens qui se suicident à cause du travail, du moins en grande partie à cause du travail, n’est pas quelque chose de logique et de compréhensible. »

Un salarié d’Orange

sur franceinfo

Les syndicats craignent que cette vague de suicides survenue à France Télécom il y a quinze ans ne se reproduise. Ils ont dressé une liste de victimes, voient un lien avec les restructurations en cours et réclament un moratoire. La direction refuse.

Face à ces accusations, la direction d’Orange se défend. « L’entreprise doit se transformer »répond Vincent Lecerf, directeur des ressources humaines chez Orange sur la question des restructurations. Les suicides sont pris suffisamment au sérieux pour que le sujet ait été évoqué lors du conseil d’administration d’octobre.

Et pour chaque drame, une enquête est ouverte. « Nous avons mis en place depuis de nombreuses années et après la crise de 2009 des dispositifs de prévention des risques, d’accompagnement et d’accompagnement des équipes, exceptionnels en termes de moyens.explique Vincent Lecerf. Il y a 500 personnes qui travaillent sur la prévention des risques, plus de 50 médecins, psychologues, assistants sociaux, ingénieurs sécurité. »

« Nous accordons une attention particulière, notamment dans le dialogue social, pour prévenir au mieux tous nos risques. »

Vincent Lecerf, directeur des ressources humaines chez Orange

sur franceinfo

Ce soutien fait dire à la CFDT, contrairement à d’autres syndicats, qu’il ne faut pas faire de parallèles hâtifs avec la crise sociale de France Télécom à la fin des années 2000 même si elle reste vigilante. Par ailleurs, sur cette crise des années 2000, la Cour de cassation doit examiner, mercredi 13 novembre, les pourvois de l’ancien PDG de France Télécom Didier Lombard après sa condamnation en appel pour harcèlement qui a entraîné une vague de suicides.

Si vous avez besoin d’aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d’un membre de votre entourage, il existe des services d’écoute anonymes. La ligne Suicide écoute(Nouvelle fenêtre) joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D’autres informations sont également disponibles sur le Site du ministère de la Santé(Nouvelle fenêtre).

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