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« 14 heures sans boire, sans manger » : comment Salim, un Algérien de 36 ans, a traversé clandestinement la mer Méditerranée

« 14 heures sans boire, sans manger » : comment Salim, un Algérien de 36 ans, a traversé clandestinement la mer Méditerranée

Ils sont des milliers chaque année à vouloir traverser la mer Méditerranée, dans le but d’atteindre les côtes de l’Europe, à la recherche d’un avenir meilleur. Mais ce voyage clandestin n’est pas sans danger, ces hommes, femmes et enfants risquent leur vie sur des embarcations de fortune.

Salim M., 36 ans, est originaire de Taourirt Moussa, dans la wilaya (découpage administratif, NDLR) de Tizi Ouzou en Algérie. Ce Kabyle d’une trentaine d’années a décidé en 2018 de quitter son pays natal pour rejoindre la France. L’éducation traditionaliste, l’omniprésence de la religion et l’oppression étatique le poussent à rejoindre un « floka » – un bateau en arabe – et devenez un « harraga »une personne qui traverse illégalement la mer Méditerranée.

« 14 heures sans boire ni manger »

Il y a six ans, c’est un ami de cet Algérien qui lui a proposé de changer de vie. Une de ses connaissances organisait des traversées de la côte oranaise vers l’Espagne. Pour Salim, c’est maintenant ou jamais. Il n’hésite pas et prépare quelques affaires, rassemble un peu d’argent qu’il cache dans un pull et se rend au lieu de rendez-vous.

« Mon départ était prévu le 24 octobre 2018, à 20 heures, d’une plage proche d’Oran. Ici, les passeurs s’arrangent avec la marine, qui ferme les yeux. Après quelques ennuis, nous sommes partis en pleine nuit vers 2 heures du matin. Nous étions une quinzaine sur un bateau pneumatique. Cela m’a coûté 1 200 000 dinars, soit 500 euros.Salim raconte Midi libre. C’est alors que commence un voyage au milieu de l’eau, avec pour seul espoir de voir apparaître à l’horizon les terres espagnoles.

« Pendant la traversée, le temps était plutôt calme, la mer aussi. Et il y avait des dauphins près du bateauil se souvient, mais nous avons passé 14 heures sans boire ni manger. Une seule bouteille de lait que nous avons partagée. C’est difficile… En arrivant près de l’Espagne, il y avait de gros bateaux qui faisaient des vagues. L’eau est entrée dans notre bateau, nous étions mouillés mais heureusement il n’y a eu aucun problème. »

« J’avais soif, très soif »

Après plus d’une demi-journée de navigation, Salim et les autres « harragas » accoster sur une plage d’Almería en Andalousie, dans le sud de l’Espagne.

« Une fois que nous avons atterri, nous nous sommes dispersés. Je suis resté avec un ami, Mustafa, et notre connaissance. Nous avons trouvé une maison près de la plage et avons frappé. Un couple local a ouvert la porte. J’avais soif, très soif. La femme et son mari sont sortis. avec des bouteilles d’eau, des bananes, de la nourriture sucrée et salée… L’homme a alors pris son véhicule et nous a déposés à un arrêt de bus, à une quinzaine de kilomètres de là.se souvient Salim, Il nous a donné un téléphone et nous avons pu appeler nos parents. J’ai directement rassuré ma mère, elle était contente. »

Passé par Montpellier

Même s’il a survécu, le voyage n’est pas terminé. Après leur voyage à Alicante, les trois clandestins ont été arrêtés à proximité de la gare par les autorités espagnoles, qui leur ont donné 72 heures pour quitter le territoire. Puis Salim reprend la route en TGV et s’arrête à la gare de Montpellier et se rapproche de son objectif : Paris. Le 29 octobre, il arrive dans la capitale et une nouvelle vie commence pour lui.

« Il n’y a pas de bonheur sans douleur… »

Six ans plus tard, Salim est toujours en France, sans papiers. Ce maçon de formation travaille sur les marchés ou sur les chantiers, mais il n’est jamais retourné en Algérie et n’a jamais revu sa famille.

Bien qu’il ait quitté son pays pour la France, son quotidien ici n’est pas toujours facile. « Ce n’est pas facile tous les jours. Ma mère me manque, c’est pour elle que j’ai fait ça… En France, on bouge beaucoup, on n’a pas de vie stable, pas de famille, on n’a personne, parfois on je n’ai l’impression de riense lamente-t-il. Mais il n’y a pas de bonheur sans douleur… »

Condamné à l’exil

A-t-il des regrets ? Recommençait-il le même voyage ? Sa réponse est sans équivoque : « Si c’était à refaire, je le referais. Si j’étais expulsé, je reviendrais ! Cet Algérien de 36 ans, quasiment condamné à l’exil, conserve toutes les preuves d’existence, comme les visites chez le médecin ou les papiers attestant qu’il travaille, tout en gardant l’espoir de pouvoir un jour obtenir ces papiers et faire venir son parents.

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