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« 11% », de Maren Uthaug : le soulèvement écarlate

« 11% », de Maren Uthaug : le soulèvement écarlate
Maren Uthaug, en 2019, au Danemark.

« 11% », de Maren Uthaug, traduit du danois par Marina Heide, Gallmeister, 384 p., 24,90 €, numérique 17 €.

11% ! Peu invitant au rêve ou à la rêverie, le titre du nouveau roman de Maren Uthaug sonne plutôt comme l’état d’une tendance boursière ou le résultat d’une élection. En fait, dans la nouvelle dystopie de cet auteur danois – né en Norvège d’une mère norvégienne et d’un père sami – ce pourcentage prend une signification symbolique. « 11% »c’est le strict ratio d’hommes toléré sur le sol danois pour le bon fonctionnement, érotique et démographique, de la gynécocratie en place.

Dans ce roman choral et, à sa manière, post-apocalyptique, le Danemark a vécu une période révolutionnaire – appelée  » Évolution  » – au cours de laquelle le pays a été profondément démasculinisé par « rage de guerre » femmes. Pour eux, en effet, s’il y avait «quelque chose de pourri au Royaume du Danemark»comme le dit Marcellus dans Hamletc’était en grande partie l’œuvre du mâle, de sa vision phallocratique, de sa violence intrinsèque. D’où la nécessité de bannir ce prédateur de toute forme de pouvoir et de responsabilité. Imposer un quota d’hommes et regrouper la horde dans des centres, comme celui de l’île de Lolland.

Depuis, ces lieux sont confiés aux soins d’Amazones qui imitent le modèle antique en comprimant un sein. Placés sous la surveillance de médecins, ils sont mis à disposition des femmes souhaitant se reproduire ou retrouver l’orgasme. Un ordre social dont les contrevenants sont soumis à des périodes punitives de  » méditation « solitude et travail forcé. Cette refonte radicale affecte non seulement le paysage social, mais aussi un décor urbain méticuleusement dévirilisé, toutes formes saillantes ou anguleuses ayant été bannies ou abandonnées à la ruine, au profit d’un nouvel idéal architectural fondé sur la douceur ovoïde des formes rondes. , proche de celle du ventre ou du sein.

L’enfant du hasard

Maren Uthaug nous fait découvrir cet univers à travers quatre voix, chacune renvoyant à un imaginaire mythique et à un rapport particulier au monde. Il y a celui de Médée (la magicienne et infanticide tragique), mi-nonne, mi-béguine, vivant dans l’outs-monde du Wasteland, « vestige de l’ère patriarcale »et se consacre à la confection de friandises aphrodisiaques en compagnie de serpents, dont le boa Pythia de huit mètres. Il y a celle de la Wicca (allusion au mouvement néo-païen américain), résidente d’un immeuble « rond »prêtresse d’une religion néo-chrétienne conservant la figure du Christ mais revenue à l’adoration des grands  » Mère «  et à l’usage de serpents redevenus messagers divins, un culte mêlant rites sexuels et communion à la maternité cosmique. Il y a celui du muet Stille, qui dialogue avec les fleurs et les animaux. Et enfin, il y a la voix d’Ève, née garçon, transgenre, que sa mère a élevée dans la perspective purificatrice et régénératrice de l’ablation d’un pénis longtemps caché à la communauté. Mais ces quatre figures féminines voient soudain leur quotidien bouleversé par l’arrivée d’un garçon, fils adoptif d’un inconnu errant, décédé en couches. Aubaine ou malédiction, l’enfant du hasard mettra en péril l’ordre social si péniblement acquis.

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