Adèle Exarchopoulos arrive sur son premier plateau de tournage à l’âge de 13 ans, sous la direction de Jane Birkin pour le film « Boxes ». Après ce petit rôle, la jeune femme prend goût au cinéma, décidant de ne jamais quitter cette grande famille.
En 2013, elle est choisie pour le rôle d’Adèle d’Abdellatif Kechiche dans son film « La vie d’Adèle ». Acclamé par la critique, le long métrage triomphera à Cannes et recevra la Palme d’Or. Après cette forte visibilité, la carrière d’Adèle Exarchopoulos décolle, l’amenant à travailler aux côtés de Sean Penn, Ralph Fiennes et Justine Triet.
Dans le dernier numéro de Paris Match – en kiosque ce jeudi 24 octobre – Adèle Exarchopoulos est revenue sur cette expérience avec Abdellatif Kechiche : « Je ne me sens pas redevable, je me sens reconnaissante. Cela dit, je n’ai plus de lien particulier avec lui, il vit désormais en Tunisie. Aux César, je l’ai remercié, et il sait qu’il y a plein de choses qui se passent juste entre lui et moi derrière ce merci. Le tournage « a été douloureux, je ne pourrais jamais le nier. »
Abdellatif Kechiche, un cinéaste controversé
En septembre 2013, quelques mois après le Festival de Cannes et le sacre du film d’Abdellatif Kechiche, les deux actrices principales Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, avouaient lors d’un entretien au « Daily Beast » n’avoir jamais voulu travailler avec le réalisateur. Adèle disait à cette époque, alors âgée d’une vingtaine d’années : « Il y avait parfois une sorte de manipulation, difficile à gérer. Mais ce fut une bonne expérience d’apprentissage en tant qu’actrice. »
Onze ans plus tard, dans les colonnes de Paris Match, l’actrice prend du recul et se montre moins indulgente avec les méthodes du réalisateur : « Travailler avec Gilles Lellouche et Alain Chabat m’a montré qu’on pouvait tourner des scènes complexes dans une super ambiance. Et je n’ai fait que sachez que plus j’aime, plus j’ai envie de donner. Kechiche pose une vraie question : jusqu’où va-t-on pour l’art ? Ma réponse sera toujours : la vie avant le cinéma.
Abdellatif Kechiche concerné par #MeToo ? Adèle nie
Dans un contexte particulièrement tendu dans le monde du cinéma, notamment depuis les récentes accusations portées contre les réalisateurs Jacques Doillon et Benoît Jacquot, Adèle Exarchopoulos tient encore à distinguer sa propre expérience de celles des victimes des deux cinéastes.
« On ne peut pas les comparer à Abdellatif Kechiche. Il est allé au-delà de tout, tout le temps, les horaires, le calendrier, la gestion des personnes… Mais je n’ai absolument aucun regret, je ne me suis pas senti blessé par ce qui a pu se dire sur le plateau, et s’il fallait le faire refait, j’y retournerais. Le perfectionnement, ce qu’il attendait de Léa (Seydoux) et de moi, cette forme de manipulation, je l’ai accepté d’emblée. C’est ce qui s’est passé après le film qui m’a vraiment blessé. Là, j’ai compris que, pour lui, le cinéma comptait plus que la fraternité et l’image plus que la vérité. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas pu aujourd’hui tourner « La vie d’Adèle » dans les mêmes conditions qu’à l’époque. »
Une carrière après Kechiche
Adèle Exarchopoulos ne s’est pas arrêtée après cette expérience sur le tournage de « La vie d’Adèle », loin de là. Elle a cependant remarqué quelques séquelles chez elle après le tournage : « Unprès « La Vie d’Adèle », je me souviens d’être arrivé sur les plateaux et de m’être dit : « Où est Abdel? » Il avait réussi à établir une telle connexion entre nous… A la fin, il a applaudi, j’ai fondu en larmes. Cela peut paraître malsain, mais j’ai tellement compris où il voulait que j’aille, comment il voulait que j’y arrive. J’ai passé six mois à le filmer, sans vraiment savoir quand cela allait se terminer. Je n’avais pas prévu la fin. C’était vertigineux. »
Abdellatif Kechiche a la réputation d’être intransigeant avec ses actrices, au point de leur imposer des conditions strictes, entretenant une relation ambiguë : « Je sais qu’il y avait une forme de soumission, mais pas de contrôle. Même si j’ai ressenti beaucoup de tentatives… Par exemple, nous n’avions pas le droit de rentrer chez nous. Mais je m’en fichais, j’ai pris le dernier train puis le premier le lendemain. J’ai compris que je ne devais pas lui demander la permission, qu’il fallait que je me libère. Et puis, pourquoi décevoir tout le monde alors que je venais de rentrer voir mon père ? »
Aujourd’hui, Adèle a 30 ans et a derrière elle une impressionnante carrière d’actrice. Si son nouveau rôle de mère lui fait refuser quelques rôles, elle a la vie dont elle rêvait. Concernant ses débuts avec Abdellatif Kechiche, elle conclut : « La seule chose que je peux reprocher aux gens, c’est de ne pas se remettre en question. Il arrive un moment où il faut s’asseoir et se dire : « Si les acteurs souffraient, puis-je l’entendre ? » Et dites simplement « désolé ». Abdel ne l’a jamais dit. »